Samedi 24 juin 2023. On arrive à Bourlon vers 16h30, après environ deux heures de route. On se gare non loin du site, juste derrière un autre véhicule immatriculé en Belgique. Il faut dire que la petite bourgade française est relativement proche de nos contrées, que plusieurs groupes belges sont à l’affiche du festival et que le prix d’entrée minimum par jour est fixé à 10 euros. Autant de facteurs qui poussent nos compatriotes à passer la frontière en nombre.
Après un passage aux toilettes (sèches), on se fraie un chemin vers la petite scène où Traquenard, formation punk/thrash metal originaire de Lille, s’en donne à coeur joie. Mais la fosse est pleine à craquer, et les spots à l’ombre tous occupés. On décide donc de rebrousser chemin en direction de la main stage, où Gewalt fait ses balances.
En cette fin d’après-midi, la chaleur est accablante, et après ces deux heures de trajet, la soif se fait sentir. Un arrêt au bar s’impose… On repart avec un thé glacé et la ferme intention de profiter de cette journée, malgré la canicule. On se balade à travers la Place de l’Abreuvoir, qui accueille le festival depuis 2012, à la découverte des différents stands installés : frites, pains saucisses, bières artisanales, nourriture végane, merchandising et exposition des créations d’une quinzaine d’artistes locaux.
Gewalt entame son set alors que Traquenard joue encore sur le petite scène. Le groupe débute donc son concert devant un public éparse. On est agréablement surpris par les sonorités électro-indus de la formation berlinoise inconnue de nos radars. Elles détonnent un peu avec le reste de la programmation du jour mais constituent une bonne mise en jambes. Le chanteur/guitariste, Patrick Wagner, s’agite et sue à grosses gouttes dans son costume de dandy, tandis que la bassiste et la guitariste restent plutôt statiques derrière leurs pieds de micro. Les dernières notes résonnent encore dans l’air que Yarotz (anciennement connu sous nom de The Third Eye) prend place sur la petite scène.
On passe jeter une oreille mais ne s’attarde pas. Le frontstage est noir de monde et, malgré l’heure, les rayons du soleil encore brûlants. Notre passage éclair nous permet tout de même de constater que les Capbretonnais savent comment captiver l’attention. Leurs compos post-metal/punk hardcore font monter l’intensité d’un cran. Leur premier album, Erinyes, sur lequel on retrouve Christian Andreu de Gojira, est sorti l’an dernier.
On enchaîne avec Sum of R sur la main stage. La formation suisse, réunie autour de la figure de Reto Mäder depuis 2007, compose une musique expérimentale et psychédélique, au croisement du doom et du drone. Malgré notre attrait pour le genre, on a beaucoup de mal à se laisser emporter. Les conditions du jour ne sont, en effet, pas optimales pour ce style de musique qui se prête mieux à une petite salle de concert éclairée à la bougie qu’à une place de village ensoleillée. De plus, une scène en plein air, si bien sonorisée soit-elle, n’offre pas la possibilité de percevoir toutes les nuances des mélodies, détail important dans ce registre musical.
Tandis que Gummo se déchaîne sur la petite scène, on en profite pour manger un bout en écoutant Mars Red Sky faire ses balances. On est particulièrement fans de l’univers musical du groupe qu’on a hâte de découvrir pour la première fois en live. Le trio entame les premières notes de son set quelques minutes après 19h30. L’air commence enfin à devenir respirable, on s’appuie contre une des barrières Nadar du frontstage et se laisse porter par les mélodies psychédéliques des Bordelais. Séduits musicalement, on est un peu moins emballés par l’énergie (ou plutôt la non-énergie) qui se dégage de leur prestation : ça manque de charisme, de puissance…
De la puissance, on en aura bientôt plein les oreilles avec les Américains de Full of Hell. Mais dans l’immédiat, on se met en quête d’une borne de rechargement pour notre téléphone qui se décharge en deux-deux. On trouve notre bonheur dans le préfabriqué qui sert de point de vente pour les jetons drink/food. Un jeton pour 2h de recharge, sous l’oeil attentif du gardien des multiprises : Raphaël. Après avoir trouvé un slot disponible pour notre smartphone en fin de vie, il remarque le pass VIP qui pend à notre cou et entame la discussion : « Tu es journaliste ? ». C’est comme ça qu’on apprend qu’en plus d’être bénévole à Rock in Bourlon, Raphaël est aussi musicien dans un groupe de death metal qui répond au doux nom d’Hurakan. À ne pas confondre avec nos compatriotes du même nom, Huracán, qui sont quant à eux dans le post-metal.
Notre problème de batterie résolu (pendant le set de Sorcerer sur la petite scène), nous voilà de retour à la main stage pour le set de la tornade ricaine Full of Hell. Changement de registre, place au grindcore. Un style musical qu’on n’affectionne pas particulièrement, même si on reconnaît que Dylan Walker envoie du lourd au chant et sait comment galvaniser la foule.
On skippe le concert de Spy sur la petite scène pour faire une pause. La fatigue commence à se faire sentir en cette fin de samedi caniculaire et avec les deux heures du trajet aller dans les jambes. Alors qu’on a sué toute la journée, on commence à sentir l’humidité tomber sur nos épaules dénudées. On décide donc d’aller faire un tour du côté du stand merch, à la recherche d’un t-shirt manches longues qui pourrait nous éviter de tomber malade. On repart avec le long sleeve de Brutus, qu’on ne quittera plus de la soirée.
Et parlons-en de Brutus. La Place de l’Abreuvoir est noire de monde pour accueillir la formation post-hardcore. Il faut dire que les Belges ont fait du chemin en presque dix ans de carrière. Signé·e·s chez Sargent House depuis 2017, iels se sont forgé une solide réputation live. Emmené par la batteuse/chanteuse Stefanie Mannaerts, le groupe alterne sans sourciller passages puissants et aériens. La voix cristalline de Stefanie résonne dans toute la plaine, contrastant avec sa frappe féroce et émérite. Elle jongle de façon déconcertante entre son instrument et le chant, accomplissant une grande prouesse technique en toute humilité. Le public est conquis.
Il est minuit et demi quand Spectral Wound prend place sur la main stage pour le dernier concert du jour. Les Québécois prodiguent un black metal primitif et furieux influencé par la scène black norvégienne des années 90 (Mayhem, Burzum, Ulver) et le heavy metal classique (Iron Maiden, AC/DC, Judas Priest). Le chant de Jonah Campbell n’est quant à lui pas sans rappeler l’univers vocal d’Oranssi Pazuzu. On décide de s’éclipser quelques minutes avant la fin du show pour regagner notre voiture et quitter le site du festival sans encombre. Nous voilà partis pour un trajet retour d’environ 170km pendant lequel on aura tout le loisir de repenser à cette première fois à Rock in Bourlon. On s’y voit l’année prochaine ?