Mercredi 4 octobre, 20h, Usnea vient tout juste de commencer à jouer lorsque l’on passe les portes de l’antre alternatif bruxellois. Pas de Marche Funèbre pour nous ce soir donc. Tandis que la photographe shoote déjà depuis quelques minutes en frontstage, on se pose pas loin de la console son, pour se concentrer sur la rédaction. Ce soir, la salle est bien remplie. Les barbes fusent comme l’after shave. Les fans se sont mis sur leur 31, pour venir voir leurs groupes doom et sludge préférés. Un vrai festival de patches, aussi, ce qui ravit la rédaction.
Lost In A Forest
On essaie en vain de se concentrer sur Usnea, mais l’après-rasage du voisin pique aux yeux et on n’a pas envie de bouger de la barrière qui protège la console son. On subira donc ce voisin à l’odeur un peu trop généreuse pendant tout le concert. On ferme les yeux et on se retrouve dans une forêt où la brume nous entoure. Les riffs, répétitifs et lancinants, nous emmènent encore plus loin dans les bois, tandis que le chant tantôt guttural, black ou death, nous fait bouger la tête, avant que la complainte doom et ténébreuse de Joel Williams (basse et chant) ne nous emporte sous les branches épaisses des pins, dans un brouillard opaque.
The Three Fathers
Ufommamut a sorti Godlike Snake en 1999, a parcouru un sacré chemin en 18 ans, et vient tout juste de publier son huitième album, 8, sur Neurot Records. Ufomammut, c’est un trio doom, sludge, post-metal et psychédélique. Dans sa musique, très organique, on sent la nature, les éléments, le mystique, les sens… et on voit des couleurs vives, du rouge, du bleu, mais aussi pas mal de noir. À l’instar des Trois Mères de Dario Argento, avec Ufomammut, on a le Père des Soupirs (Vita, derrière ses fûts), le Père des Ténèbres (Urlo, à la basse, aux effets et au chant) et le Père des Larmes (Poia, à la guitare et aux effets). À eux trois, ils créent une atmosphère digne des films du genre giallo, où mystère, peur et sensualité s’entremêlent.
Ce soir, au Magasin 4, le power trio est venu présenter 8 dans son intégralité. Album sur lequel les titres s’enchainent, se déchainent, plus métalliques, plus industriels qu’avant. On oublie vite un problème récurrent de basse et on se plonge avec délice dans l’univers apocalyptique des Italiens. Huit, ou l’éternel recommencement si on le couche (∞). Huit, dont les boucles se rejoignent. Huit, où la pause n’existe pas. Et le grand huit, ce soir, c’est avec Ufommamut.
Le public, lui, ne se couche pas. Il dévore chaque titre avec dévotion. Hésite à crier, applaudir, car jouer 8 en live, c’est comme sur album, il n’y a pas vraiment de break. On retient son souffle, pendant près d’une heure. On applaudit enfin, quand ils brandissent leurs instruments en l’air. Puis ils reviennent jouer God, bien tiré en longueur, pour notre plus grand bonheur. Mercredi 4 octobre, il est maintenant 22h15 et Ufommamut a bien flingué l’establishment imposé par le voisinage. Voisinage qui a intérêt à être clément puisque l’avenir du Magasin 4 est en péril. Alors, on bouge ses fesses. On a au moins jusqu’en juin 2018 !
Nancy Junion