Dans le village de Timgad, la grande activité des enfants c’est le foot. Un ballon. Onze garçons d’une dizaine d’années nés le même jour. Une fillette partageant la même date de naissance et dribblant aussi bien que ses camarades (mais interdite de terrain – religion, quand tu nous tiens !). Et leur instituteur faisant tout son possible pour parvenir à un objectif : mener la ‘Juventus’ à Marseille en lui faisant gagner le tournoi local.
Malheureusement, une fois sur le terrain, sans maillots, sans chaussures, ni entraineur qui tienne la route, ce projet apparait peu accessible. Mais arrive Jamel. Archéologue envoyé par l’État français pour travailler sur les ruines de la Pompéi de l’Afrique du Nord. Cet amoureux du ballon rond dribblant comme Zidane – de l’avis de la jeunesse du village – se retrouve rapidement promu entraineur de la ‘Juventus’ !
Le propos est rythmé et va droit au but (Toi aussi, tu aimes les jeux de mots subtils ?). Néanmoins, si le scénario apparaît cousu de fil blanc, certaines informations manquent pour guider le spectateur. Et les personnages ne semblent pas toujours tenir d’une seule pièce.
Visuellement, Timgad nous emporte dans un environnement pittoresque, tout en plaçant les humains au coeur du propos et de l’image. Des humains au milieu d’un paysage si grand qu’ils se retrouvent isolés du reste du monde. Des humains entourés de chèvres et de poules. Des humains meurtris par une guerre civile venue s’immiscer jusque dans leurs maisons, lors d’une attaque violente.
Aussi photogénique soit-il, cet univers est rempli d’épines. Pour aller de Timgad à Marseille, il faut des moyens dont la ‘Juventus’ ne dispose pas, alors que sa principale rivale ne semble pas en manquer, elle (Ne nous attardons pas sur le côté manichéen des gentils pauvres contre les méchants qui ont des sous). Tandis que certaines blessures mal cicatrisées laissent la place à des relations humaines pas toujours empreintes de bienveillance.
Loin de nous présenter des victimes, Fabrice Benchaouche, le réalisateur, choisit de nous montrer comment chacun parvient à se débrouiller et à trouver sa place dans ce monde qui pique. Ce parti pris apporte un caractère rafraichissant à l’ensemble. Si le format du film se veut plutôt efficace, le spectateur peut se retrouver avec un sentiment de bavardage interrompu. L’envie d’aborder moult thématiques est palpable : le foot comme élément fédérateur pour une communauté, la place du religieux dans les liens entre les villageois, le regard porté sur les femme dans cette atmosphère tiraillée entre mysticisme et désir de modernité… Malheureusement, pour caser tous ces thèmes, on effleure, on esquive, on ne prend pas le temps d’une mise en contexte. Quitte à laisser le spectateur passer à côté des références faites à l’histoire algérienne ou ne pas bien comprendre l’engouement face à certaines évocations footballistiques.
Que certains thèmes restent effleurés, ou que toutes les références ne soient pas expliquées, ça peut s’entendre. Seulement, quand les jalons internes au récit lui-même ne sont pas posés, ça devient plus gênant. La construction et l’évolution des personnages s’avèrent un peu brouillonnes. Jamel, tout spécialement, semble un peu ‘bricolé’ et ses changements d’attitudes parfois (souvent ?) difficiles à comprendre. En travaillant de la sorte, le réalisateur laisse donc peu de place à l’empathie, ce qui ne colle pas vraiment avec le reste du propos.
Avec ces trois bouts de ficelles pas toujours bien noués, les acteurs parviennent à camper leurs rôles avec sincérité et sobriété. C’est cette sobriété qui permet de ne pas être totalement désarçonné par leurs changements d’attitudes et leurs incohérences. Notons que s’il y a peu de femmes dans ce film, les comédiennes jouant Naïma, la douzième enfant, et Djamila, la voisine balafrée de Jamel, tirent fort bien leur épingle du jeu. Touchante, la jeune Fella Benini adopte avec simplicité cette attitude un peu dégingandée de petite fille peut-être trop souvent entourée de garçons.
En bref, s’il peut s’avérer un peu faiblard sur certains aspects, Timgad n’est pas un film à bouder. L’image soignée nous emmène à la rencontre d’un univers qui ne nous est a priori peu – ou pas – connu. Et loin de tomber dans un propos misérabiliste, Fabrice Benchaouche montre avec ce film que l’énergie et la créativité permettent de passer outre bien des blessures.
Sorti en décembre 2016 en France, Timgad arrive sur grand écran en Belgique, ce 22 février 2017.
Jen H.