En ce 17 novembre, Bruxelles connaît un samedi soir glaçant, depuis que le soleil d’hiver s’est couché il y a quelques heures. Cependant, dans les backstages du Botanique, Sylvaine s’apprête à illuminer la soirée avant de laisser la scène à Céleste, qui viendra faire résonner les profondeurs abyssales.
Depuis 2013, la multi-instrumentiste Sylvaine a su se créer une place dans la scène post-rock/blackgaze. Seule à la composition, elle s’est ici entourée de musiciens live et assure le chant et la guitare. Tout le projet repose sur la tension et la dualité entre candeur et noirceur, des moments cristallins suivis par des rythmiques lourdes, rejoignant le style dans lequel évolue le groupe français Alcest, pour lequel elle a par ailleurs assuré la première partie il y a quelques années. Les deux formations restent visiblement proches. Pour preuve, la présence de Neige (Stéphane Paut), ce soir, dans la salle. Aujourd’hui, la jeune Norvégienne foule le sol de la Rotonde pour la première fois, arrivant quelques minutes sur scène après ses musiciens. Sa longue chevelure blonde lui donne un air angélique, à l’image des passages aériens de ses compositions. Malheureusement la voix passe mal en ce début de concert, une erreur de balance qui sera seulement corrigée vers la moitié du set. Les titres s’enchaînent alternant onirisme, mélancolie et désespoir plus enragé, lorsqu’elle hurle dans un chant black éraillé. Les montées sont prenantes, mais l’ensemble parfois un peu trop mièvre.
La salle se transforme plus tard en enfer grondant, lorsque les Français de Céleste arrivent dans une fumée épaisse digne du plateau de tournage de The Fog (1980) de John Carpenter. La formation originaire de Lyon a une marque de fabrique bien précise : celle de jouer dans la pénombre et la fumée, laissant seulement apparaître les silhouettes de ses musiciens et un faisceau de lumière rouge émanant des lampes frontales portées par chacun d’entre eux. La mise en scène use et abuse de stroboscopes ce qui amplifie le caractère cathartique de la musique. Rapidement, le public des gradins se lève tandis que les premiers rangs se balancent lourdement d’avant en arrière. Les Français déversent leur chaos maitrisé à coup de rythmes lourds et de guitare malsaine. Quelques moments de latence viennent parsemer l’orage. Le titre D’errances en inimitiés en est un bon exemple : l’intro plus cinglante suivie d’un moment d’accalmie arrive comme un oeil au milieu du cyclone, une courte bouffée d’oxygène avant de replonger une dernière fois dans l’obscurité étouffante. Le quatuor livre une prestation apocalyptique et massive qui ne laisse pas indifférent.