Vendredi 17 septembre, les Nuits du Botanique accueillent Sébastien Tellier, une des têtes d’affiche de cette édition. Une playlist « peut mieux faire », un son bancal mais un frontman toujours aussi agréable. Un concert qui se résumera à un bon moment, à défaut de rester dans les mémoires.
Malgré une année quelque peu figée, Sébastien Tellier ne s’est pas enlisé. Six ans après L’Aventura, il sort un nouvel album studio Domesticated, mi-figue mi-raisin, mais avec quand même l’excellent A Ballet, et son clip « gantesque », où il parvient à proposer quelque chose de neuf (vocoder, basses amples et saxophone). Dommage que le reste de l’album ne suive pas.
Ensuite, arrive un autre LP : Simple Mind. Et là, par contre, c’est la claque ! Un rappel à l’ordre pour celles et ceux qui ont oublié à quel point Tellier est avant tout un excellent auteur-compositeur. Cette compilation de ses anciens morceaux, revisités avec des arrangements épurés, met en lumière ses talents d’orfèvre de la chanson (pas des sons, ni des prods, juste des chansons). Il le dit lui-même : « J’ai de l’or au bout des doigts« .
Dans la foulée de cette sortie, il nous propose aussi un live sur Arte, parfait, d’une élégance dingue. On surfe sur les vagues de synthés, la brise caresse nos tympans, c’est la prestation d’un artiste au sommet de son art. Le délire Simple Mind est poussé encore un peu plus loin, et c’est magnifique. On en vient à rêver d’un concert de ce calibre pour ce soir. Ça ne sera pas le cas.
Trois musiciens arrivent sur scène, suivi par celui que tout le monde attend. L’accueil est chaleureux, malgré un chapiteau rempli à deux tiers (une bonne partie de l’audience étant encore coincée dans les files à l’entrée). Light show et fond de scène aux couleurs pastel, dans la lignée graphique de Domesticated. Le sympa barbu nous salue et, avant de se positionner derrière son clavier, nous laisse le temps d’apprécier son look : une paire de chaussures blanches style Repetto, un pantalon slim de la même couleur, un blouson multicolore à sequins, l’habituelle énorme paire de lunette de soleil et sa désormais emblématique casquette Chanel à la visière bordée de perles. Un inventaire qui résonne comme une invitation, une porte d’entrée vers son univers.
Le concert fait la part belle à Sexuality. En intro, Sexual Sportswear est suivi de Fingers of Steel, tout en synthés. Ambiance dancefloor pour mettre en jambe l’audience. Plus tard, suivent Kilometer, avec un solo guitar hero en bonus, Looks, version Simple Mind, mais surtout, pour clore le set, Roche, qui brille avec sa magnifique intro, réarrangée en mode piano-voix, comme pour mettre sur un piédestal les délicates nappes de claviers made in Tellier. Dans la même veine, il enchaîne avec La Ritournelle et on savoure. Avant ça, on aura aussi à droit à deux morceaux de L’Aventura : Ricky l’adolescent, pourtant un des maillons faibles de l’album, et une version remaniée de Comment revoir Oursinet ?, où la dimension épique de la version studio passe à la trappe. Flop. L’Aventura n’a pourtant pas pris une ride, dommage de ne pas l’exploiter plus sur scène. Cochon Ville, issu d’un album qu’on a lui vite oublié, nous rappelle à l’ordre avec son groove moelleux et ses chœurs typés soundtrack 70’s. Et au milieu de tout ça, un seul titre du tout dernier Domesticated : Stuck in a Summer Love, assez fidèle à l’album, même si on lui préfère la version minimale qui figure sur Simple Mind. Le show se termine, le taulier quitte la scène, les hachures des stroboscopes et la fumée artificielle soulignent les contours de sa silhouette atypique.
Du bruit, beaucoup de bruit, et retour sur scène pour un rappel qui s’annonce à la hauteur : on débute avec Fantino – la bande originale de Lost in Translation – en version intimiste, les musiciens regroupés au centre de la scène. Seul souci, le son ne suit pas. Déjà pas exceptionnel depuis le début de la prestation, il est complètement recouvert par le brouhaha ambiant. Organisateurs, organisatrices, il faut définitivement oublier cette configuration dans laquelle les enceintes se limitent aux abords de la scène. Inspirez-vous de ces clubs et festivals électroniques qui répartissent leur sound system dans tout l’espace, avec comme conséquence généreuse pour le public de pouvoir profiter d’une qualité d’écoute correcte, peu importe où il se trouve. Le rappel se poursuit avec Domestic Tasks, égal à sa version studio, tout en basses vrombissantes et références retro house. On enchaîne sur une version longue de L’amour et la violence, inspirée, elle aussi, de la version de Simple Mind. Sublime. Le tout se clôture sur un final électronique non-identifié.
Puis, surprise, un autre rappel avec La Dolce Vita, une reprise de Christophe, un hommage surtout. Une bluette d’un kitsch entêtant, déjà présente sur le LP Sessions, et interprétée plus récemment en duo avec Juliette Armanet.
Certes, ce soir on a passé un agréable moment. Mais au vu des pépites qui jalonnent la carrière de Sébastien Tellier (League Chicanos, Wonderafrica, Pépito Bleu, Aller vers le soleil, L’amour carnaval, A Ballet…), on repart avec l’impression frustrante d’avoir juste entraperçu le cœur de la mine d’or. On pourra toujours se consoler avec le live d’Arte.
Tommy Thiange