Voilà plus de dix ans que le guitariste belge Marc De Backer (Dog Eat Dog, Mucky Pup, Wolvennest) enfile son costume de Mongolito pour ravir nos oreilles de ses compositions sombres et envoûtantes. Et on peut dire que le talentueux musicien est prolifique, puisqu’il fêtait le week-end dernier la sortie de son 10e album, Pure, dans le tout nouveau shop du tatoueur bruxellois Muzah, qui a ouvert ses portes au numéro 4 de la rue des Chartreux. Ce nouvel opus, sorti en version digitale au mois d’août dernier, est désormais disponible en version physique (CD) via le label autrichien HauRucK! Records.
Pour illustrer ce six titres, le musicien a choisi une eau forte du peintre marseillais Valère Bernard sur laquelle une pieuvre entoure de ses tentacules les corps nus d’hommes et de femmes semblant vouloir tenter d’échapper à son étreinte. Composé pendant les confinements successifs, Pure, comme ses prédécesseurs, utilise la recette fétiche de Mongolito : de longues instrumentales composées de loops de guitare et de sons drone se déployant à un tempo variable. Un cocktail qui, quand on se laisse enivrer par ses saveurs, constitue la porte d’entrée vers un univers où la noirceur règne en maître. Une noirceur enveloppante qui vous berce dans ses bras vaporeux et vous emmène, telle une séance de psychanalyse, au coeur de vos entrailles.
L’album s’ouvre sur Baclanova, du nom de cette actrice russe des années 30 qui tient le rôle principal dans l’un des films cultes de Marc D. : Freaks de Tod Browning. Guitare mélodique, rythmique caressante, Olga nous prend la main et nous invite à la suivre. Elle tourne lascivement autour de nous dans sa robe blanche en satin. La batterie s’invite dans la danse et le tempo s’accélère, les riffs se font plus lourds. Pris·e dans un tourbillon, on perd l’équilibre et se laisse embarquer par-delà les frontières du réel. Mais bientôt The death of yet another dream nous ramène à la réalité, celle où les désillusions sont monnaie courante. Quelle pourrait être l’Ultrasolution à ce mal-être qui nous ronge ? Les accords éthérés appellent à l’introspection. Years of Nothingness sonne définitivement le glas de notre joie de vivre. À quoi bon exister s’il ne reste que le néant ? Mais peu à peu (Slowly), on reprend des forces et se relève, comme un boxeur à terre dans dernier sursaut, pour respirer à pleins poumons la brise Pure de la vie.
Mélancolie, désenchantement, résignation, la beauté de l’existence ne peut se saisir qu’à travers son côté obscur, tel un rayon de soleil qui transperce un ciel d’orage. C’est en tout cas le sentiment qui nous gagne à l’écoute de cet album à la fois sombre et plein d’espoir, enregistré, comme le précédent, par Déhà. Ce multi-instrumentiste, boulimique de travail et passionné, officie aussi bien en solo qu’en groupe et en tant que musicien qu’en tant que producteur dans son studio (Opus Magnum Studios). Une collaboration qui offre une autre dimension à la musique de Mongolito, et qui semble assez naturelle. « Déhà a apporté sa patte de producteur à l’album à travers les différents sons qu’il a amenés. Je n’aurais jamais obtenu ce résultat sans lui. Je compose spontanément, sans trop de réflexion, donc j’ai enregistré une série de démos rudimentaires chez moi, je les ai ensuite fait écouter à Déhà et c’était parti. Il travaille vite et de manière instinctive, j’apprécie de bosser avec lui pour cette raison. Puis, comme il joue de plein d’instruments, il peut se lâcher et ajouter de magnifiques effets à mes compos ».
Amateur·rice·s de beaux objets, réjouissez-vous ! Pure devrait prochainement (février 2022) sortir en vinyle via le label parisien CROUX Records.