Découverts par le grand public au hasard de mini vidéos TikTok avec comme protagonistes un chat qui secoue la tête ou des chauve-souris qui semblent danser en soirée gothique, Molchat Doma (Молчат Дома) s’est révélé être l’un des groupes les plus prometteurs de la scène alternative actuelle pendant cette cruelle année 2020. Les Biélorusses avaient déjà foulé le sol de la Rotonde, en février 2020, pour défendre les couleurs de leur deuxième album : Етажи (Etazhi). Ce vendredi 19 novembre, c’est dans une Orangerie débordante que le trio originaire de Minsk est venu présenter son dernier album, монумеит (Monument), sorti fin de l’année dernière sur Sacred Bones Records.
En première partie, petite surprise avec les volutes électros de Victor De Roo, remplaçant en dernière minute Luis Ake. Un agréable set d’une trentaine de minutes manquant cependant de visuels pour accompagner ce musicien caché derrière ses machines. Une petite bière plus tard, vers 21h, Pawel et Roman entrent en scène sous les applaudissements chaleureux d’un public hétéroclite : des néo wavers à celles et ceux qui sont aux origines de la vague, en passant par quelques curieux et curieuses venu·e·s découvrir en live ce phénomène en ligne. Egor arrive rapidement dans l’arène, rejoignant ses deux comparses sous cette même ambiance d’excitation générale. Ayant eu l’occasion de s’échauffer à Riga, Hambourg et Paris (ces trois dernières dates et celle de Bruxelles affichant complet), c’est un set déjà bien rodé que le groupe propose ce soir à l’Orangerie.
Naviguant subtilement entre les titres issus de ses trois opus, le trio emmène son public dans une autre galaxie. Les lignes de basse de Roman sont impeccables, tandis que les mélodies sortant de la guitare de Pawel nous rappellent que la new wave et consort n’ont pas encore dit leur dernière note. De тоска (Toska) à Я не коммунист (Ya ne kommunist), Molchat Doma réussit son pari de captiver l’audience, malgré la barrière linguistique. S’ensuivent deux des meilleurs titres de Monument, Обречeн (Obrechen) et Ленинградский блюз (Leningradskiy Blues), face à un public jusqu’à présent conquis. Le set se poursuit, avec un Egor très expressif et dansant, et Pawel et Roman exprimant leur joie d’être sur scène par de nombreux sourires. Pourtant, aux deux-tiers du concert, le public semble un peu moins emballé. Il est vrai que la majorité des personnes présentes ce soir ne comprend pas le russe. L’interaction du groupe avec le public fait peut-être aussi un peu défaut, malgré tous les « Spaciba » que le chanteur lâche entre chaque morceau. Et puis, une Orangerie pleine à craquer n’était peut-être pas la meilleure option… On manquait cruellement de place pour danser ! танцевать (Tancevat) ravive l’enthousiasme de la foule qui reprend le refrain en coeur sous l’impulsion d’Egor. Avec quelques légères différences par rapport aux enregistrements studio, le concert se poursuit. On pense reconnaître les percussions du Blue Monday de New Order (Волны – Volny), une intro à la The Cure (A Forest) ou encore le morceau Criminal, composé par PIL pour le soundtrack du film Point Break. Que de références aux grands noms de la new wave… et plus le concert avance, plus on perçoit l’amour indéniable de Molchat Doma pour The Cure (période Faith/Pornography). Le set se termine avec le superbe на дне (Na Dne). Le public, conquis, en redemande, et le trio revient pour clôturer ce voyage dans le temps avec son hit batcave Судно (Sudno). La foule danse et s’en donne à coeur joie, mais il est déjà temps pour nos trois Biélorusses de tirer leur révérence.
Si le concert de Molchat Doma a aiguisé votre intérêt pour la scène post-punk des pays de l’Est, ne manquez pas celui de Ploho prévu au Botanique (Witloof Bar) le 13 février 2022.
Nancy Junion