À Dour, chaque matin ressemble à la mise en place d’un plan stratégique. Quel concert aller voir en premier ? Quels enchaînements nous permettront d’en voir le plus possible tout en profitant pleinement de chaque moment ? Comment ménage des pauses dans notre planning pour que nos oreilles nous guident vers quelque chose de neuf ?
À l’aube, pendant que beaucoup de festivaliers dorment encore, quelques éveillés se réjouissent du tempo donné par les premières notes semées devant un public plus aéré. Ce samedi, à la Petite Maison dans la Prairie, le collectif bruxellois Sysmo propose un réveil bien dansant tout en percussions. À 14 sur scène, les chefs d’orchestre se succèdent pour diriger un moment d’improvisation, n’hésitant pas à inviter le public à prendre part à la création musicale en cours.
Juste en face, à la Caverne, démarre, un peu plus tard, le double espresso bien serré servi par Mont-Doré. En perf’, s’il-vous-plaît ! Sous la tente plus intimiste du Labo, ENDZ partage avec ses spectateurs un rock’n’roll rempli de joie de vivre et agrémenté de quelques sonorités un peu plus pop. Un petit déjeuner complet et équilibré pour être en pleine forme pour la suite !
Sur le site officiel du festival, GaBLé est décrit comme né de la rencontre de « deux batteurs qui décident de jouer de la guitare et d’une fille qui a appris à jouer du clavier en collant des gommettes de couleur sur les touches ». Des gommettes !? Direction le Labo, pour découvrir ces trois explorateurs de sonorités et leur musique éclectique. Ils bondissent d’un univers à l’autre avec beaucoup de sérieux et d’humour, montrant leur maîtrise de codes aussi variés qu’étonnants.
Une autre surprise nous attend un peu plus tard à la Petite Maison dans la Prairie. Remplie d’une foule enthousiaste, elle abrite une fanfare en uniforme, avec ses cuivres et ses percussions. Un petit coup d’oeil au programme nous apprend qu’il s’agit du collectif allemand MEUTE. Alors que certains mixent sur des platines, eux y vont en fanfare, au sens propre du terme. C’est comme ça qu’à quatre heure de l’après-midi on peut retrouver des clubbers qui s’éclatent devant un orchestre.
Un peu plus loin, à la Caverne, la voix incroyable de Stefanie Mannaerts, batteuse et chanteuse du trio BRUTUS, alterne caresse et coups de poings avec une force époustouflante. Et l’expression « une main de fer dans un gant de velour » prend tout son sens… Dans le ciel, un hélicoptère kaki survole la plaine depuis un petit moment déjà. Ajouté aux contrôles renforcés pour entrer sur le site, il confirme que la bulle douroise, aussi peuplée de licornes et de dragons soit-elle, reste bien sous surveillance.
Mais retournons dans la Petite Maison dans la Prairie où le trio d’Acid Arab mixe de l’électro orientalisante, sous une énorme boule disco revisitée, illustrant ce savant mélange. Un mélange déroutant, mais invitant. Un autre trio prend place un peu plus tard sur cette même scène : Jagwar Ma. Un groupe dont les compos mêlent rock psychédélique, électro-pop et ethno-dance. Ils arrivent avec une forme de nonchalance sympathique, qui semble malheureusement se transformer en mollesse. Tandis qu’au niveau musical il y a comme une hésitation entre faire danser ou faire planer… Dommage.
L’opportunité se présente heureusement d’aller profiter de la puissante atmosphère dégagée par Alcest à la Caverne. Le public est conquis. Envolées poétiques et montées en force construisent son rock sombre et transportant. Du côté du Labo, l’ambiance est plutôt sensuelle, portée par la voix grave de Taylor Kirk, le chanteur de Timber Timbre. Les sonorités sont enveloppantes, les rythmes n’hésitent pas à devenir langoureux et saccadés. Les lumières glissantes confirment que c’est bien le concert des amoureux.
Le temps d’une pause pour reprendre quelques forces, on jette un oeil à la prise de territoire de Phoenix sur la Last Arena. Un miroir géant est posé sur scène de façon à refléter ce qu’il s’y passe. Miroir qui sert aussi par moment de support à des projections. Le public s’étend loin dans la plaine. Hommes, licornes et dragons y dansent joyeusement. Tandis qu’au creux de la Caverne, Amenra et son public entrent en parfaite communion. Ils plongent ensemble dans un univers sombre et désespéré. La force des cris projeté par Colin, le chanteur, traverse la foule comme des ondes violentes et sensuelles. Quelque chose de beau, de perturbant, de presque insoutenable a lieu. Difficile d’en sortir indemne.
Perclue par cet instant, la foule à l’extérieur semble terriblement dense. C’est le moment de la journée où les animaux diurnes et les animaux nocturnes partagent le même territoire. Le public qui déborde de la Petite Maison dans la Prairie est fébrile, difficile de s’y faufiler pour profiter du live de Rone. On tend l’oreille de loin, pendant que la Last Arena s’apprête à être prise d’assaut par Die Antwoord. L’effervescence se ressent sur scène et dans la plaine. Une fois le décor planté, l’entrée en matière ne se laisse pas attendre. Yolandi, Ninja et leur DJ ZEF propose une plongée la tête la première dans leur univers graphique déjanté et complètement mégalomaniaque. Voir la foule que ce groupe parvient à fédérer reste particulièrement impressionnant et peut-être intriguant.
Vient alors le moment d’affronter ce peuple dense pour rejoindre nos pénates après cette journée éclectique et haute en couleur.