Pour certains, le tout instrumentaL est l’apanage des amateurs de musique classique ou de jazz. Pourtant, on peut faire du très bon rock sans pour autant prononcer la moindre parole et faire ainsi redécouvrir à l’auditeur les fondamentaux de la musique, en le rendant plus attentif aux différentes sonorités ainsi qu’aux changement de rythmes, mais surtout, en lui permettant de faire marcher son imagination et de construire sa propre histoire.
Et c’est l’histoire d’un voyage au royaume de l’envoûtement que notre imaginaire a construit à l’écoute de Froidepierre, dernier opus du trio math rock français Jean Jean, sorti le 23 février 2018 chez Head Records/Black Basset Records.
Voyage qui commence par un pays source de fantasmes et de mystère où, un après-midi à l’écoute de Konichiwa (« bon après-midi », en japonais), tel un derviche tourneur, on se met à tournoyer sur nous-même de manière de plus en plus intense, pour ralentir puis repartir de plus belle et atteindre un état de transe qui nous laissera hors d’haleine.
Avec Aozora, deuxième titre de l’album, on pense pouvoir reprendre son souffle en admirant le ciel bleu (« aozora », en japonais). Le répit est cependant de courte durée car, rapidement, on est pris dans un feu d’artifice de sons et de rythmes qui se clôture par un intense bouquet final.
Le trip n’est pas que spatial mais également intérieur. Avec Tensor Field (concept notamment utilisé dans l’analyse des contraintes et de la déformation dans les matériaux), on imagine aisément l’intérieur de la tête d’un mathématicien au sein de laquelle s’entrechoquent les formules, les additions et les problèmes insolubles.
Le voyage passe aussi par la Russie avec Celjabinsk et son énergie positive, pour rejoindre juste après l’Espagne avec le très beau Anada qui, tout en développant également beaucoup d’énergie, contraste totalement par rapport au morceau précédent par son côté plus sombre, mélancolique. Puis avec l’explosif Limerence, on découvre le sentiment amoureux sous un aspect nouveau et étrange.
Le calme revient en fin d’album avec la plage éponyme, Froidepierre, nom du chalet situé au milieu des Alpes dans lequel le groupe a enregistré ce huit titres, pour se terminer en beauté avec Event Horizon, parfaite compilation des morceaux précédents.
On ne peut que vous conseiller d’écouter cet album et de tenir l’agenda des concerts à l’oeil pour ne pas les manquer la prochaine fois qu’ils seront de passage en Belgique. Et vu leur prestation remarquée, le 24 novembre dernier, à La Ferme !!! Festival à Louvain-la-Neuve, ça ne saurait tarder !