L’Incubate Festival, événement musical et culturel, se déroule pendant une semaine entière dans la charmante bourgade de Tilburg, au sud des Pays-Bas. Programmé à l’aube de l’automne, ce festival clôture en beauté la saison estivale. Du post-rock, du black metal, du psyché et des sonorités plus électroniques étaient à l’affiche, soit 290 groupes, ensemble avec quelques expos et performances. La ville semble devenir l’Incubate même, le temps d’une semaine. Récit d’un week-end passé en province du Brabant-Septentrional.
L’eau à la bouche
Déjà, on bave sacrément d’avoir raté entre autres les groupes ayant joué pendant la semaine tels que King Buzzo (The Melvins), Kadavar, Deathcrush, Blouse, Moon Duo et les Belges de TYSMFYH. Mais on se réjouit d’arriver en fin de journée sur le sol brabançon, en compagnie de deux membres du groupe Billions of Comrades (à l’Incubate en 2015?).
Au premier abord, il semble que Tilburg rassemble un noyau de gens aux goûts alternatifs. Le festival investit tous les espaces disponibles pouvant accueillir des groupes : salles, cafés, théâtres mais aussi une église et le Textiel Museum. La programmation est très pointue. Seuls quelques artistes sont passibles d’être connus d’un plus grand public, comme Wovenhand ou Current 93. La formule de l’Incubate, c’est la découverte, et ce depuis 10 ans!
Le périple commence toute en douceur avec les américains de This will destroy you au Dudok, habituellement un café-brasserie, ancienne belle bâtisse construite par l’architecte du même nom. C’est bon, ça va fort juste comme il faut. Cependant le groupe paraît tellement absorbé qu’il en oublie de saluer son public de temps à autre. La suite se passe au bar le Paradox, sur un splendide set de Aidan Baker vs Thisquietarmy pour l’Hypnodrone Ensemble. Trois batteurs au tempo similaire, mais aux variations subtiles, mènent la bataille avec les riffs hypnotiques des deux autres comparses.
On a ensuite tout juste le temps de traverser la rue du Télégraphe pour rejoindre la belle salle MIDI et y savourer un superbe concert des 65daysofstatic. Au contraire de This will destroy you, les 65daysofstatic semblent être de véritables bêtes de scène : très pros, très attentifs aux sonorités qu’ils produisent (le guitariste, Simon Wright, n’hésite jamais à faire appel aux ingés son). Ils fournissent un sans faute au public béat, jouant pas mal de leurs nouveaux morceaux sortis sur Wild Light fin 2013, comme Prisms, The Undertown ou Taipei, sans oublier le fabuleux titre Retreat! Retreat! issu de leur premier essai The Fall of Math. Le vendredi se termine sur les beats frénétiques, à la limite de l’hyperkinésie, du DJ américain de Jahiliyya Fields. Le coeur s’emballe et s’enflamme déjà pour ce festival.
Par-addict
Samedi, le réveil est un peu difficile… La journée commence par un délicieux café au Consouling Store, une boutique de vinyles gantoise, disposant d’un chouette espace sur la Pieter Vreedeplein, le temps du festival. L’occasion de tailler une bavette avec deux jeunes Belges venus supporter leur cousin à l’affiche avec son projet solo : Innerwoud.
Passage express au Paradox pour jeter un coup d’oeil aux norvégiens de Tusmørke. Décrits comme un groupe expérimental-folk, c’est plutôt de la musique hippie tout droit sortie d’une flûte qu’ils jouent. Leurs accoutrements médiévaux valent pourtant le détour. Il est grand temps de se bouger jusqu’au MIDI pour un set révélateur de Wovenhand, venu défendre son dernier opus Refractory Obdurate. Il semble qu’avec le temps, David Eugene Edwards se soit transformé en véritable story-teller.
On quitte, un peu à regret, le MIDI pour retourner au Paradox applaudir Le Seul Élément. Caché derrière une toile, Le Seul Élément compose une musique sombre et poétique évoluant aux rythmes de séquences visuelles du style documentaire industriel pré-grande guerre ou souvenirs d’enfance. Un petit galopin plus tard, et c’est au tour de Vin Blanc/White Wine. à l’origine un projet solo de Joe Haege, de monter sur le ring du Paradox pour le set ovni de la soirée. Costume léger rayé bleu et blanc, coupé années 80’s, Joe se déhanche et rigole bien avec son nouvel acolyte de scène. Il y met du coeur et de l’enthousiasme, et ce dernier conquit l’assemblée.
Vite, le concert événement de la soirée vient de débuter au MIDI : les Suédois de Goat ont été littéralement pris d’assaut par les festivaliers. La file est longue, et ce n’est que pour les deux derniers morceaux de rappel qu’on accède enfin à la salle, qui a déjà bien transpiré. Ces dix minutes de Goat ont en tous cas été bien profitables. Le Paradox nous rappellent pour un dernier verre sur les sons psyché-obscurs de l’Innercity Ensemble, avant de terminer la soirée en dansant sur la soft rock des DJ’s programmés au bar l’Extase, The Original Boys of Summer.
God speed, you, black Sunday!
C’est sur toutes les lèvres : ce dimanche, les membres de Godspeed You! Black Emperor forment avec d’autres musiciens le Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra, actif depuis 1999. La programmation du dimanche est un véritable casse-tête. Bon, le Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra passera bien au Cirque Royal dans le futur, non? Découvrons d’autres horizons. Mise en bouche toute en douceur avec un set très Sunday ambient du Canadien de Thisquietarmy au Consouling store. S’ensuit une prestation très énergique des Belges de The Glücks, un duo de garage avec Animal version féminine derrière les fûts, au magasin de vinyles le Sounds. Pause café au Paradox sur les sons venus d’outre-électronique de l’anglais de Talvishorros.
La faim gagne du terrain et on craque alors sur une foccacia au Dudok, qu’on digère pendant un concert très planant des Norvégiens du groupe psyché Electric Eye. Deux morceaux du metal de Lento plus tard, on retourne au Dudok pour découvrir la future sensation made in England : The Wytches. Ils sont jeunes, très jeunes, et très nerveux. Ils font pourtant une très bonne performance, proches des Horrors première mouture, et teintée de voix cassée à la Kurt Cobain pour ces jouvenceaux tout de noir vêtus. Continuons du côté obscur de la force et allons nous défoncer les oreilles sur la musique de The Neon Judgement. Certes, ils ont vieilli, mais leur musique et leur entrain, pas du tout. La salle n’est pas comble, mais elle est bien dansante sur des morceaux comme Miss Brown ou Chinese Black.
Le grand final de l’Incubate revenait cette année au groupe de post rock God is an Astronaut. L’audience semble un peu molle en fin de parcours, par contre le groupe en met plein la vue et les oreilles (dans une moindre mesure). Le volume sonore aurait en effet pu être un peu plus élevé, surtout comparé au superbe set présenté au Dunk!festival cette année. Avec God is an Astronaut, All is bright, all is violent. mais c’est aussi parfois Fragile… Le clavieriste-guitariste de tournée Jamie Dean met le feu en sautant dans le public et en dansant avec des spectateurs, agréablement surpris. Une belle performance terminant en beauté ce fantastique festival. Incubate 2015? Ja, zeker!