Ce 20 janvier, Henry Rollins se produisait à Leuven, dans le cadre de son Charmingly Obstinate tour. Cet artiste aux multiples facettes, icône du Spoken Word et détenteur d’un Grammy Award qu’il s’est vu décerner, en 1995, pour l’adaptation audio de son livre autobiographique Get in the Van, aura tenu le public du Depot en haleine pendant plus de 2h30.
On connaît Henry Rollins de diverses manières. Les fans de Fugazi ont certainement chez eux les albums de State of Alert, formation fugace qu’il intègre à sa création, au début des années 80. Ensuite, il prend possession du micro de Black Flag pour finalement former son propre groupe, le Rollins Band, quelques années plus tard. Parallèlement à cela, il écrit des livres et tient régulièrement de petits rôles au cinéma. En 1995, il se concentre sur une nouvelle forme d’expression, le Spoken Word, ou un flux de paroles continu qu’il débite à propos de sa vie et de celle des gens qu’il croise, des amitiés musicales qu’il vit, des thématiques plus politiques ou environnementales sur lesquelles il a son mot à dire. Et il a énormément de choses à nous raconter.
Henry Rollins est un esprit hyperactif qui, il le dit lui-même, a l’impression de perdre son temps s’il s’octroie une pause d’une heure dans son canapé. Il a besoin d’action, et quand ce n’est pas en Spoken Word, il tente – souvent en vain – de trouver des rôles au cinéma. Il se dit très mauvais acteur, mais ce n’est pas si grave. Et il se fout bien des réactions de ses fans. Voir Henry Rollins apparaître à l’écran, que ce soit en tant que Guard Henry (Lost Highway) ou en tant que coach de hockey un peu barge (Jack Frost), dans un sens ça réjouit.
Mais ce qui réjouit encore plus, c’est de le voir débiter, sans arrêt et sans boire une goutte d’eau pendant 2h30, des anecdotes en live, lors de ses tournées Spoken Word. D’un resto japonais en tête à tête avec RuPaul à l’écoute de Raw Power (The Stooges) emmitouflé dans son sac de couchage en Antarctique (climax absolu de la soirée) aux abords d’une horde de pingouins en mode fornication, en passant par les difficultés (et facilités) de produire un album de soutien pour les West Memphis Three, on absorbe sans rechigner, et souvent en riant de bon coeur, tout ce qu’Henry a envie de nous dire. Ce soir au Depot, Henry passe une belle partie de son show à nous parler de deux musiciens importants pour lui qui viennent de nous quitter : Lemmy Kilmister, aka « The Lem » (Motörhead), et David Bowie. Il évoque la sensation de liberté qu’il éprouve grâce à la musique, depuis son adolescence, dans les quartiers chauds de Washington DC.
Comme il l’explique aussi dans un article de LA Weekly, l’écoute de Blackstar le retourne complètement. Et quand, ce soir, la fin du dernier titre (I can’t give everything away) arrive, il a juste envie de prier Bowie de ne pas nous quitter. Ce soir, il nous raconte sa brève rencontre avec le dandy british dans un grand festival belge, en 1997 (probablement Torhout/Werchter puisque le Rollins Band et Bowie se partageaient l’affiche de cette édition). Henry Rollins est comme son public, fan de musique et de musiciens : il est complètement sous le choc (heureux, ce choc) d’avoir partagé une repas de cantine de festival avec le Thin White Dude qui connaissait si bien son travail rédactionnel, reste encore abasourdi d’avoir eu Lou Reed au téléphone suite à son lunch festivalier avec Bowie et d’avoir été si chaleureusement accueilli dans l’appartement une pièce du Lem. Après un peu plus de 2h30 de pur plaisir auditif, boostant le moral de ses spectateurs, Rollins terminera son show par une petite leçon de vie : « Bougez-vous le cul, allez à des concerts, si vous êtes musicien, répétez un max et faites un max de concerts, même si c’est pour deux pelés et trois tondus, car c’est en restant libres qu’on se donne une bonne raison de vivre ». Alright captain !
Vous en voulez encore ? Ecoutez donc l’émission qu’il anime sur l’antenne de la radio américaine KCRW, si justement intitulée Fanatic.
Nancy Junion