L’audacieux Het Bos. Cet endroit à vocation culturelle, né sur les cendres de son prédécesseur Scheld’Apen, ose les concerts d’été. Un terrain périlleux pour de nombreuses salles, en cette période où moult festivals fleurissent sur nos plates plaines. Ce samedi 27 août, Exploded View (feat. Anika) et Gun Outfit s’y partageaient l’affiche.
Après un petit godet au bord des quais de l’îlot (‘t Eilandje), sur les notes du festival gratuit Jazztemblieft, nous nous rendons au Het Bos, à deux pas de là. Ce véritable antre alternatif de la capitale belge de la mode officie en tant que centre culturel de la jeunesse. Soutenu par la Communauté flamande, il offre une programmation musicale étoffée parmi d’autres activités telles que des projections de films et résidences. Le programmateur, Peter Daems, semble avoir du flair. Ayant bossé pour feu la Lintfabriek, sorte de Magasin 4 de la région anversoise, il ne peut que nous proposer une programmation de qualité et riche en découvertes.
Par ce temps caniculaire, un café glacé est plus que bienvenu. On le déguste dans le jardinet du Bos Café avant de pénétrer dans la salle, ayant déjà abrité de nombreux groupes, pour découvrir le quatuor californien Gun Outfit. Il est à peu près 21h15 quand cette première partie débute, en douceur, aux sons de leur premier album intitulé Dream All Over. Au fur et à mesure que les titres passent, on balance entre folk, country, psyché complètement mellow, sonorités hawaïennes, vagues dream pop, le tout ponctué de quelques riffs qui rendraient jaloux les amateurs de post-rock songeurs comme Caspian. Le concert va bon train, le soleil brille dans nos oreilles, et il est difficile de placer le quatuor dans un style musical spécifique. Gun Outfit se révèle être un véritable ovni sonore. Cependant, la voix du chanteur, se disant amateur du peintre Pieter Brueghel l’Ancien (le titre Landscape Painter lui est d’ailleurs consacré), se rapproche énormément de celle de Lou Reed. Un peu rauque et désabusée, elle contrebalance celle de la chanteuse, beaucoup plus crémeuse. Les inclassables Gun Outfit ont aussi un côté faussement joyeux, que ce soit dans leur son, paroles ou attitude, rappelant ce cher Adam Green. Une belle surprise en guise de primo piatto, avant les très attendus Exploded View.
Si le rapprochement vocal avec l’auteur de Walk on the Wild Side est évident pour Gun Outfit, le rapprochement vocal généralement fait entre Nico et Anika l’est moins, en tous cas en concert. Après avoir entendu dire à de nombreuses reprises que cette jeune chanteuse incarnait la nouvelle Nico, une vérification en live semblait plus que nécessaire. Est-ce dans la voix, ou plutôt dans l’attitude, que ce rapprochement est établi ? Si l’écoute du premier album éponyme peut relier Anika à Nico, c’est beaucoup moins manifeste lorsqu’elle entame ses premières paroles sur la scène du Het Bos. Il y a sans doute une ressemblance dans l’attitude, cette sorte de détachement et d’immobilité un peu arty, qui pourrait la relier avec la fameuse Nico. Mais la comparaison s’arrête là. Oscillant entre trip hop, no wave et cold disco, le groupe aux musiciens interchangeables délivrent un set respectable, à l’exception d’un petit couac technique lors du 3e morceau : Orlando. Anika, elle, ne chante pas, mais ne récite pas non plus. Sa texture vocale et sa rythmique, nous rappellent par moments celles de Kim Gordon. En confiance, elle quitte la scène, pour rejoindre le public, le temps d’un morceau complètement obsédant, et finit d’achever ses fans avec Killjoy, morceau empli de spleen déstructuré.
En guise de rappel, l’hypnotique One Too Many satisfera l’assemblée partiellement composée, ce soir, de groupies mâles ravis d’avoir pu s’époumoner pendant tout le set. Pourtant, et c’est le cas pour de nombreux autres groupes, l’écoute de l’album récemment sorti sur Sacred Bones Records se révèle être bien plus exquise que la prestation live.
Nancy Junion