En ce mardi 27 mars, c’est avec les cheveux mouillés à cause d’un dürüm englouti à la vitesse de la lumière (les videurs ne badinent pas avec la sécurité : pluie ou pas pluie, le pain turc est une arme dangereuse) qu’on arrive à l’AB Club.
C’est aussi avec étonnement et une certaine excitation que l’on découvre que la bière n’est pas trop chère ici. On en prend deux du coup, ce ne sera pas de trop pour tasser tout ce petit monde dans notre ventre (en vrai, la deuxième était destinée à la photographe, inaccessible, déjà au poste tout devant).Le public est éparse et assez éclectique, ce qui se comprend facilement quand on connait le style de son qui s’apprête à sortir des enceintes. Certains sont même parés de leurs plus beaux t-shirt du main band, preuve qu’il est d’ores et déjà en pays conquis ici (vous avez la référence ?). Les lumières s’éteignent peu à peu, trois chevelus envahissent les planches.
Ce bal des gens bien est donc initié par un groupe néerlandais fondé en 2005 qui répond au doux nom de Birth Of Joy. Ça claque d’entrée grâce à des musiciens en forme, et maîtres de leur sujet, évoluant dans un univers très 60-70’s, sous stéroïdes. En quelques instants, la chaleur monte, notre poult aussi mais cela n’a pas l’air d’être le cas de toute l’assemblée, peu réactive aux galipettes et appels du chanteur.
Pas toujours évident d’être l’entrée d’un festin, le groupe sait qu’il faut redoubler d’efforts pour faire péter l’applaudimètre. Birth Of Joy nous sort donc les fameux sons un peu jamesbondiens (mais si, ceux à la Portishead là) le temps d’un instant et s’offre même un morceau plus long et aérien qui nous permet d’apprécier les talents du claviériste, plutôt discret jusque-là. On en veut plus, on se dit qu’ils méritent mieux que d’assurer une première partie. Mais soyons honnêtes, dans ce show, ils ont plus le rôle d’Ann Darrow que de King Kong.
Juste le temps d’aller voir du coté du bar ce qu’il s’y dit que quatre (très) jeunes hommes entrent dans l’arène, les cheveux dans le vent et sous un tonnerre d’applaudissements. De prime abord, on a affaire à des adolescents timides, jouant la carte du groupe de rock 60’s avec un style psyché à la Beatles-Ravi Shankar mais souriants, contents de réaliser leur dépucelage bruxellois. Il faut dire aussi que le public le leur rend bien.
Un cri. C’est tout ce qu’il nous a fallu pour nous rendre compte du talent qui allait nous éclabousser à la figure. Une envolée, à froid, qui met tout le monde d’accord tellement la puissance et l’aisance sont impressionnantes. La similitude avec Robert Plant est frappante et c’est probablement ce qui fait son petit effet. Un riff aussi, très Zepplinien, qui continue à tourner le couteau dans la plaie des plus sceptiques d’entre nous : Est-ce un énième groupe de cover de fête de village ? Highway Tune nous permet encore de douter.
Les morceaux s’enchaînent et le doute persiste. Ok, le groupe est né avec de l’or dans les doigts (et du plomb dans les pieds, pour l’inamovible chanteur) à l’image du guitariste Jake Kiszka. Pétri de talent, le musicien nous offre un service 17 couverts en balançant tantôt des riffs acérés, tantôt des solos efficaces, allant même jusqu’à jouer de son instrument derrière sa tête, pour la joie des petits et grands. Mais le talent ne fait hélas pas l’originalité. Piocher son inspiration dans ce groupe génial qu’est Led Zepplin est probablement l’argument principal de Greta Van Fleet, mais ça flirte avec le mauvais goût quand c’est à outrance. Le chanteur Josh Kiszka (oui ils sont frères, pour les plus attentifs d’entre vous) a beau proposer quelque chose de différent de ce qui se fait sur la scène rock actuelle, on a les molaires qui baignent quand il en vient à utiliser les mêmes mimiques scéniques que Plant.
Malgré ces petits caprices d’enfant gâté, ne boudons pas notre plaisir, le concert est on ne peut plus plaisant. On sent que le groupe prend du plaisir, il y a une bonne alchimie entre ses membres, la qualité des morceaux présentés n’est pas à remettre en cause. Mention spéciale pour un moment de vraie connexion avec les dieux du rock au cours d’un espèce de dialogue entre les différents musiciens, chacun y allant de sa petite démonstration, donnant lieu à une jam session délicieuse. Mais une fois de plus : on veut plus de Greta et un peu moins de Zepplin.
Des morceaux comme Flower Power ou Safari Song viendront appuyer nos dires. Faites le test chez vous : passez un de ces deux titres en mode blind test à quelqu’un aimant un minimum la musique, il y a très peu de chance qu’il mentionne Salvatore Adamo.
Jean Seyll