C’est toujours un peu un défi l’instrumental, aussi bien pour le groupe en lui-même que pour les pauvres petits critiques musicaux que nous sommes. En effet, la voix fait partie intégrante de la grande majorité des chansons qu’écoutent les gens ‘normalement constitués’ (nous tenons à présenter nos excuses aux fans de Jean-Michel Jarre*).
Essayez d’imaginer ce que donnerait I will always love you de Whitney Houston sans le fameux – et jusqu’à présent non égalé – « And IIIIIIIIIII… ». Il y a pourtant quelques groupes qui se lancent dans l’aventure avec ce genre de balle dans le pied et finissent par trouver leur public. The Prodigy, The Chemical Brothers ou encore Fatboy Slim pour ne citer qu’eux, n’utilisent pas la voix comme instrument principal lors de la conception de leurs morceaux. Défi relevé par les gars de Gallops ?Les premiers balbutiements et les premières idées du trio de Wexham (Galles du Nord) en 2007 se précisent en 2010 quand le groupe obtient le privilège de se produire aux sacrosaints festivals de Reading et de Leeds sous les feux de la scène BBC Introducing. Malgré une meute de fans de plus en plus importante et une critique plutôt enthousiaste à propos de leur premier opus Yours Sincerely, Dr. Hardcore, les musiciens décident de faire une pause (ce qui, en général dans un couple, n’est jamais très positif, soyez prévenus). Et c’est à la surprise générale qu’ils reprennent du service en 2017 avec Bronze Mystic qui, on l’espère, n’en sera pas un (bronze) mais qui le sera bel et bien (mystique).
Dès les premières secondes, on sent que l’écoute ne sera pas de tout repos. Le groupe a le don de nous mettre dans des situations inconfortables, de nous faire sortir des sentiers battus en utilisant des sons que nos petites oreilles ne sont pas habituées à entendre (des voix robotiques un peu cheap – style synthés à 90 balles – dans Actual Landscape et Graverobber) ou des atmosphères oppressantes et dérangeantes (Meta et sa mélodie agressive ou encore Professional Weapon) nous font penser aux films d’action de série B des 80’s, au temps béni des longs monologues du méchant juste avant le combat final contre le gentil au brushing impeccable. Rarement hyper joyeux et flirtant parfois clairement avec le mauvais goût, certains morceaux ternissent un peu une démonstration intéressante d’un groupe qui se veut résolument post-rock, féroce et grandiloquent, mais qui sait aussi simplement laisser parler la mélodie.
Intéressant vous avez dit ? Si l’ambiance générale de l’album tire un peu sur la corde ‘apocalypticodramatique’, certains morceaux nous plongent littéralement dans un bain de lumière au milieu de la voie lactée. C’est exactement notre ressenti après la première écoute de Pale Force, sorte de bizarrerie géniale qui n’étonnerait personne si elle finissait par se retrouver dans la B.O. d’un space opéra. Pour rester dans l’univers du 7e art, cette chanson représente un peu le moment où le héros court dans les couloirs de l’aéroport pour rattraper la femme qu’il aime et l’empêcher de partir travailler pour une grosse boîte à l’autre bout du globe parce qu’il s’est rendu compte qu’au final, ce n’est pas la carrière mais l’amour, le vrai, qui donne un sens à la vie (vous suivez toujours ?). Au même titre que Crystal Trap, une vraie explosion de couleurs et d’énergie positive. Le groupe nous en met plein les mirettes en exploitant pleinement la force et la puissance de son côté rock (une batterie aérienne et des guitares rugissantes) et le coté hypnotisant de son électro grâce à des sons qui ne sont pas sans rappeler ceux de Flume.
Ce n’est pas pour autant que les petits gars de Gallops (Mark Huckridge, Liam Edwards et Brad Whyte, pour les citer) ne réussissent pas dans leur domaine. Présenté en véritable fer de lance de l’album (il a presque deux fois plus d’écoute que les autres morceaux sur Spotify), Darkjewel est un rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage. Et qu’est-ce qu’on adore être écrasé quand c’est fait proprement ! Un beat mordant, des changements d’atmosphère et une mélodie très industrielle rappellent que le groupe s’inscrit bel et bien dans la catégorie de Prodigy.
C’est donc un album pêchu que l’on a entre les mains, où on s’amuse bien mais qui aime un peu trop jouer aux montagnes russes. On côtoie aussi vite le très bon que le très commun, voire le mauvais. Très orientés cinéma et 80’s, les sons proposés donneront la chair de poule à certains et laisseront d’autres dans le flou. Bronze Mystic reste néanmoins un défi réussi. Il demeure captivant et haletant sans personne pour raconter d’histoire et se révèle être un parfait mélange de styles ce qui, de nos jours, est chose peu aisée. Gallops s’en sort donc plutôt positivement et répond finalement aux craintes initialement formulées : Non, il ne l’est pas (un bronze) et oui, il l’est (mystique) !
*Notamment aux 3,5 millions présents au spectacle Oxygen a Moscou en 1997, ce qui représenterait tout de même presque un belge sur trois.
Jean Seyll