Chaque année, fin septembre, le Festival International du Film Francophone (FIFF) fait vibrer Namur au rythme du cinéma. En ces belles journées d’automne, ils sont nombreux à faire du lèche-vitrine ou à déguster une bonne trappiste en terrasse, au coeur de la capitale wallonne, mais ils sont également nombreux à faire la file à l’entrée des lieux réservés aux projections. Au programme de cette 28e édition : longs et courts métrages, documentaires, clips, ateliers, rencontres et animations en tous genres. Focus sur trois documentaires touchants et déconcertants.
Alphée des Etoiles de Hugo Latulippe
Alphée a 5 ans. Elle vit au Québec avec ses parents, Hugo et Laure, et son grand frère, Colin. Cette petite blonde au sourire ravageur et à la joie de vivre communicative est une véritable boule d’énergie. Pourtant, il n’en n’a pas toujours été ainsi. Amorphe à sa naissance, Aphnée refuse de s’alimenter si bien que sa mère se résigne à la nourrir à la seringue pour qu’elle survive. Elle est en fait atteinte du syndrome de Smith-Lemli-Optizune, une maladie génétique extrêmement rare qui ralentit son développement neurologique et musculaire.
Quand vient l’heure pour la petite fille d’entrer à l’école, ses parents, hostiles à l’idée de la placer dans l’enseignement spécialisé, décident envers et contre tout/tous de s’exiler dans un petit village des Alpes suisses. Leur but : se consacrer entièrement à l’éducation de leur enfant, faisant le pari de la faire évoluer à son rythme dans un environnement familial stable, au contact de la nature.
Emouvante déclaration d’amour d’un père (le réalisateur Hugo Latulippe) à sa fille, ce documentaire constitue un véritable message d’espoir pour les parents d’enfants malades. Témoignage d’une famille unie autour de sa petite fée et de son pays imaginaire, ce film émeut sans pour autant verser dans le pathos. Tourné avec pudeur, Alphée des Etoiles réussit à faire naître d’une histoire personnelle une réflexion globale, le tout dans un décor d’une extrême beauté.
Au Bord du Monde de Claus Drexel
Paris, Ville Lumière, avec sa tour Eiffel qui scintille de mille feux à la nuit tombée, ses bars branchés et ses boutiques de luxe. Ce Paris-là contraste avec le celui que connaissent Wenceslas, Christine, Jean-Michel et les autres. Eux, vivent dans les rues, sous les ponts, dans les stations de métro… au bord du monde en quelque sorte.
A travers ce documentaire, le réalisateur explore un univers dans lequel se sont retranchés ceux que la société a cessé de considérer. Un univers que bien souvent nous refusons de voir et où malgré le froid, la pluie, la solitude, tous font preuve d’une incroyable force intérieure.
Au final, Claus Drexel, connu pour sa participation à des émissions télévisées telles que Envoyé Spécial et Des Racines et des Ailes, nous livre ici un reportage intègre et poignant, quoique longuet (92 minutes sans voix off : on décroche forcément par moments).
Sobre Las Brasas de Mary Jiménez et Bénédicte Liénard
Sur les rives de l’Ucayali, en Amazonie péruvienne, Nancy et sa famille luttent pour survivre grâce à leur production artisanale et ancestrale de charbon de bois. Malgré les dangers de sa fabrication qui provoque des brûlures, le marché agonisant et contre l’avis de sa mère, Nancy abat chaque jour la même quantité de travail que ses homologues masculins. Sa mère, Théolinda, blessée aux pieds par des années de dur labeur et dégoûtée par le métier s’éloigne des siens. Son fils, César, adolescent rêvant d’une vie meilleure, se désolidarise des préoccupations de sa mère, allant même jusqu’à la blâmer pour son obstination.
Sobre Las Brasas, s’inscrit dans ce qu’on pourrait qualifier d’approche anthropologique du genre documentaire. En effet, tel un ethnographe qui vit au milieu du peuple qu’il étudie, les réalisatrices ont réussi à filmer le quotidien de Nancy et de sa famille comme si elles faisaient partie intégrante de celle-ci ; ce qui donne au reportage un côté hyper-naturel. Un réalisme poussé à l’extrême qui induit des cassures de rythme dans la trame narrative, cassures qui alourdissent l’ensemble et le rendent par moments indigeste.
Malgré cette faiblesse, ce film a le mérite de rencontrer un objectif des plus dignes : partager l’histoire d’un monde au bord de la disparition, avec ses héroïnes, véritables « mères courage », prêtes à déplacer les montagnes pour survivre.