Deuxième jour. Après une bonne nuit de sommeil, on se dirige machinalement vers les sanitaires et prend place dans la file de festivaliers en quête d’une douche chaude pour réveiller leur corps engourdi. Puis, direction le réfectoire pour le p’tit dej qui, comme chaque année, est offert par la maison. Une odeur de café plane dans l’air, des bruits de vaisselle qui s’entrechoque viennent ponctuer le murmure ambiant, tandis que les bénévoles du Dunk, telles des abeilles ouvrières, s’activent en cuisine pour nourrir tout ce petit monde.
Nos boterhammen avalées, nous voici d’attaque pour entamer la journée sous un soleil déjà bien présent. On profite des quelques heures qui nous séparent du début du premier concert pour se rendre au supermarché du coin, avec la clique de Metalorgie, afin de faire quelques provisions : méga roulettes, américain préparé, chips à l’huile d’olive et aux herbes, Twiglets, tomates cerises et Camembert. Chacun son kiff pour un pique-nique improvisé à deux pas du merch.
Notre lunch à peine achevé, Illuminine prend place sur la Main Stage. Quel plaisir de profiter d’une programmation de qualité par un temps pareil ! On en a couvert des festivals sous la pluie et on sait pertinemment que le rêve peut vite tourner au cauchemar quand la boue s’en mêle. Le problème, c’est qu’il fait vraiment très chaud et que les deux scènes sont entièrement bâchées (les organisateurs ne s’attendant sûrement pas à de telles températures au début du mois de mai). Du coup, on évite de s’aventurer sous les chapiteaux avant 17h, tant la chaleur y est insupportable. On passe donc l’après-midi dans l’herbe ou à l’ombre, sous les arbres du petit bois, se laissant bercer du dehors par les vibrations soniques émanant des scènes toutes proches.
La découverte du jour est sans nul doute celle du groupe Kokomo qui, peu avant 17h, a réussi à nous faire planer comme en pleine obscurité, avec un set composé de nombreux morceaux issus de son quatrième album, Monochrome Noise Love, sorti quelques mois plus tôt. Tout commence par les choeurs entêtants de Pills and Pillows qui sonnent comme un appel au rassemblement. A cette heure de la journée, la plupart des festivaliers profitent en effet, allongés ça et là, d’un soleil moins agressif qu’à son zénith. La force du groupe ? Des transitions rythmiques carrées et des compositions naturellement porteuses d’émotions. Le quintette allemand se balade avec aisance entre les paysages sonores apaisants de l’ambient et l’agitation du post-metal pour un voyage sombre et hanté aux envolées célestes. On en redemande !
On s’éclipse quelques heures pour une petite sieste, histoire de se déchaîner pendant le concert de Pelican. Il faut dire qu’il s’agit, avec Russian Circles, de l’un des groupes pour lequel notre cœur mélomane s’emballe. On les avait découverts à Dour en 2013, à l’époque de Forever Becoming, et c’est avec un immense plaisir qu’on les retrouve ce soir sur la Main Stage du Dunk!festival. D’entrée de jeu, les lignes de basse de Dead Between the Walls nous secouent les tripes : c’est puissant, lourd. Deny the Absolute poursuit dans la même lignée jusqu’à l’excellent Ephemeral qu’on ne peut s’empêcher d’écouter en boucle depuis. Titre durant lequel notre regard s’attardera par hasard sur le déhanché ultra sensuel du bassiste que l’on découvrira dès lors sous un nouveau jour… comme quoi les cheveux, c’est surfait !
Toutes retournées par le live des Chicagoans, on attend maintenant la prestation de CHVE – projet solo du leader d’Amenra (Consouling Sounds) – dont on a déjà entendu beaucoup de bien, sans avoir encore pu en juger par nous-mêmes. Rendez-vous est fixé à la Stargazer vers 23h. Une flamme orangée éclaire le chapiteau de sa lumière vacillante tandis que des images en noir et blanc sont projetées en arrière-plan. Colin H. Van Eeckhout est là, assis sur un tabouret, la tête penchée, imperturbablement statique. Il tient dans ses mains une vielle à roue, instrument grâce auquel il produit des sons d’une autre époque et nous emmène pour une odyssée musicale de 30 minutes. Voyage qui se construit petit à petit, couche par couche, et par lequel on se verra bouleversées au plus haut point, comme au sortir d’une transe chamanique. Tribal, envoûtant, introspectif, intense. Tels sont les qualificatifs qui nous viennent à l’esprit face à la performance de cet homme seul, scandant « I will only rise until I fall » des minutes durant, de sa voix douce et caverneuse.
Pas simple d’enchaîner après ça. On aimerait que Colin ne s’arrête jamais de nous bercer de ses vocalises, on aimerait rester encore quelques temps assis sur le plancher de la Stargazer, mais il reste un concert à voir : celui des Texans de This Will Destroy You. Lorsque l’on franchit l’entrée de la Main Stage, on se retrouve plongées dans l’obscurité totale jusqu’à ce que l’on distingue deux minuscules points lumineux face à nous. Les musiciens sont en place et seules leurs lampes frontales, telle l’appendice bioluminescent du poisson-pêcheur, nous permettent de distinguer quelques formes sur scène. Ambiance intimo-minimaliste pour le public et galère absolue pour les photographes. Dans le noir presque total, toute notre attention se focalise sur cette musique qui saura nous faire frissonner. Une expérience troublante que ce concert à l’aveugle !