Ce mercredi 23 novembre 2022, le studio 5 de Flagey était quasi sold out pour la projection du film Dreaming Walls : Inside the Chelsea Hotel, organisée par EmpreinteS dans le cadre du Mois du Doc. Réalisé par Amélie van Elmbt et Maya Duverdier, ce documentaire nous plonge au coeur du célèbre Chelsea Hotel à New York, repère d’artistes depuis plus d’un siècle et lieu emblématique de la contre-culture.
Si vous avez lu Just Kids, récit autobiographique de Patti Smith, vous avez forcément déjà entendu parler du Chelsea Hotel. Un lieu, investi par une communauté d’artistes marginaux et hauts en couleur tels que Lou Reed, Janis Joplin ou encore les membres de la Factory d’Andy Warhol, dans lequel l’héritière de la beat generation et son grand amour, Robert Mapplethorpe, ont vécu au début des années 70. Construit entre 1883 et 1885, ce bâtiment mythique imaginé par l’architecte franco-américain Philip Hubert sera bientôt transformé en un hôtel de luxe. Bien que les résident·e·s à long terme ne soient désormais plus accepté·e·s, le lieu est encore habité par une cinquantaine de personnes, subissant ainsi quotidiennement les nuisances causées par les travaux de rénovation interminables.
Mythe vs. réalité
Tourné peu avant le début de la pandémie, Dreaming Walls se penche sur l’histoire de ce bâtiment iconique mais également sur la situation complexe que traversent ces hommes et ces femmes qui ont choisi d’y vivre, envers et contre tout. Tandis que certain·e·s attendent impatiemment la fin des travaux, d’autres résistent au changement avec le peu de moyens dont iels disposent. D’un côté, le mythe. De l’autre, l’humanité avec toutes ses failles. Montrer la vraie vie d’artiste, avec sa solitude et ses concessions, telle était la volonté d’Amélie van Elmbt et de Maya Duverdier.
À travers un mélange habile d’incrustation d’images d’archive sur les murs décrépits de l’hôtel, de témoignages touchants et de tranches de vie, le tout porté par l’excellente bande originale signée Michael Andrews (Donnie Darko), les réalisatrices nous emmènent à la découverte d’une dizaine de personnalités : Merle Lister, chorégraphe octogénaire qui hante les couloirs et entretient un lien particulier avec les ouvriers du chantier ; Rose Wood, performeuse trans-genre ; Susan Kleinsinger, artiste peintre, et son mari souffrant, Joey Corey ; Bettina Grossman, photographe et résidente de l’hôtel depuis les années 70 ; Steve Willis, réalisateur de documentaires et producteur de clips musicaux ; Zoe Pappas, présidente de l’association des résident·e·s, et son mari Nicolas ; etc. Entre onirisme et nostalgie, on navigue parmi ces différents récits de vie, avec en filigrane des sujets tels que la fin de la bohème new-yorkaise, la gentrification de la ville et la crise du logement.
Producteur exécutif : Martin Scorsese
En 2011, le premier film d’Amélie Van Elmbt, La tête la première, remporte le prix principal du First Time Fest à New York. C’est là qu’elle rencontre Martin Scorsese, qui assure la production exécutive de son deuxième long métrage, The Elephant and the Butterfly. En 2018, son film est projeté au Tribeca Film Festival à New York. Maya Duverdier et elle s’envolent vers les États-Unis pour assister à cette projection. Au détour d’une balade dans les rues de Manhattan, elles tombent par hasard sur la grande façade de briques rouges du Chelsea Hotel, cachée derrière des échafaudages. Curieuses d’en savoir plus sur cet hôtel dont elles ont entendu parler en lisant les mémoires de Patti Smith, elles décident d’y entrer. C’est là qu’elles font la rencontre de Merle Lister, qui leur propose une visite guidée improvisée des lieux. Au plus les minutes passent, au plus les deux jeunes femmes sont convaincues que cet endroit incroyable mérite de faire l’objet d’un film.
Amélie van Elmbt, qui a gardé contacté avec Martin Scorsese, discute de son idée de documentaire avec lui. Il propose de les aider, Maya et elle, pour la digitalisation des oeuvres tout en leur faisant comprendre que « produire des documentaires, ce n’est pas son truc ». Une fois le film monté, Amélie décide de lui en envoyer une copie. Le réalisateur américain, ému et touché par l’histoire des résident·e·s du Chelsea, offre finalement de le produire. Le nom de Scorsese permet à Dreaming Walls de sortir en salles aux États-Unis.