Tout a commencé le jeudi 14 mai 2015, pour une ascension céleste qui aura duré trois jours. Les festivaliers qui ont déjà vécu un Dunk!festival étaient tous très impatients d’y être, ainsi que les novices.
Arrivé sur la plaine vers 15h30, notre crew met tout doucement ses affaires en place, dans l’enceinte du Populier. Pas d’allers-retours gigantesques entre le parking et le site : le festival reste à une capacité d’accueil d’environ 700 personnes par jour. Un festival à dimension humaine, sans trop de frivolités publicitaires, qui survit grâce à une poignée de personnes ultra motivées et une équipe de volontaires hyper enthousiaste. Au Dunk!, tout le monde met la main à la pâte : la famille Lievens au grand complet, une cinquantaine de petites mains aidantes, Filou, le chien-mascotte du Dunk! qui n’est pas avare en câlins et les festivaliers qui rapportent leurs assiettes vides au comptoir. Oui, le Dunk!, c’est un festival où le mot respect est roi. Respect pour les groupes sur scène, où personne n’entame de discussions futiles et bruyantes pendant les concerts, mais aussi du respect pour l’environnement enchanteur du festival.DAY #1
L’ouverture en musique est réalisée avec brio, malgré quelques soucis techniques assez rapidement résolus, par un groupe de l’écurie Dunk!Records, Celestial Wolves. Ils sont venus présenter leur futur nouvel album, dont deux morceaux en exclusivité pour le festival. Un premier set aux surprenants aspects doom bien lourds, pendant lequel les spectateurs ont littéralement été propulsés dans le vif du sujet.
cecilia::eyes, qui attendait patiemment son tour en backstage, arrive avec un peu de retard, mais livre au public un superbe set aux limites du shoegaze en jouant un beau mix de plusieurs albums, dont quatre titres de son dernier opus Disappearance. La tente est déjà bien remplie d’auditeurs très attentifs qui semblent être conquis par les mélopées douces amères « from the edge of the deep green sea » [1] de Loreta et un batteur à la frappe sûre mais poétique, où un onirisme très fin de siècle remplit l’atmosphère brumeuse de la salle.
Les Chinois de Wang Wen encensent le public de la mainstage à coup de trompettes, de riffs bien déployés et d’une énergie scénique bondissante. On se cale ensuite l’estomac d’un très appétissant veggie chili, et en route pour découvrir la téméraire Helen Money sur la Stargazer stage. Seule avec son violoncelle, elle comble l’audience de sons aux confins du doom et de la no wave en version minimale et termine par un sublime Beautiful Friends de son dernier LP en date Arriving Angels.
Ensuite, les Néo-Zélandais de Jakob mettent juste le feu à la mainstage et Monophona ravit les oreilles de nombreux festivaliers. La clôture du premier jour revient au prestigieux groupe japonais MONO, adulé par de nombreuses personnes. Le groupe fait de son dernier concert de tournée un voyage au bout de la nuit, planant à souhait, où la bassiste en hypnotisera plus d’un et où les effets lumineux subtils feront de ce show une performance inoubliable.
DAY #2
Le réveil est doux, après un premier soir post-concerts très calme. On savoure le petit déjeuner offert sous le soleil naissant, bienvenu après la journée bruineuse de la veille, et on se met doucement en route pour la première claque du jour : Hemelbestormer. Un aspect visuel très fort, des vidéos hypnotiques de paysages glacés et d’insectes passés au rayon X, des riffs obsédants et lourds qui percent les oreilles, des pulsations de basse hyper puissantes et une rythmique très organique qui ravive le rythme cardiaque de l’audience. Un quatuor qui remplit la mainstage de ses sons obscurs et qui nous attire vers le centre de la terre à une allure fulgurante.
Le soleil a décidé de poser ses rayons sur la prairie du Dunk, et on savoure sa chaleur autant que les musiques de Lehnen et Solkyri depuis le plancher des vaches. On était impatient de découvrir les Autrichiens de Doomina, mais leur concert est annulé et est remplacé en dernière minute par Stories from the Lost. Tandis que le soleil s’est confortablement installé dans un ciel bleu, la Dunk!team décide de faire jouer thisquietarmy en plein air. C’est alors qu’un jeune homme sillonne les prairies, armé d’une annonce accrochée sur son sac à dos « thisquietarmy – drone set in the woods – 15h40 », en vrai promoboy. Cet homme-sandwich n’est autre que thisquietarmy himself, et la journée de vendredi est marquée par son concert exceptionnel dans les bois longeant le site. Une expérience unique qui a permis à de nombreux auditeurs de renaître sous un nouveau jour. Un set drone ambient, aux touches à la fois true black metal et mélodiques, sans une seule fausse note, sous une flore verdoyante et ensorceleuse, que demander de plus?
Les tant attendus Australiens de Tangled Thoughts of Leaving mettent la patate et transpercent leurs auditeurs à coup de musique asymétrique qui rappelle le free jazz, mais bien plus encore. Un set également appréciable dans la douceur de l’extérieur, vu le volume sonore très élevé.
On se requinque avec une frite légendaire et on file sous la Stargazer pour découvrir le trio de musiciens basés à Berlin : Alice in the Cities, ou le post-surf sur nuage de coton. Une guitare aux sonorités très claires mais emplie de mélancolie indie, qui pourrait nourrir une version 2.0 de Paris Texas (Wim Wenders). Des paysages vibrants et songeurs au travers du combo aérien basse-batterie, comme si l’on sautait d’un train à l’autre et découvrait les fresques imaginaires de ce fabuleux trio.
On ne tient guère longtemps pour The Ocean, le groupe le moins convoité du crew de BeCult, qui découvre par après le très prometteur The Eye of Time, signé sur la prodigieuse chercheuse de talents Denovali Records. La soirée se termine en beauté sur un set à la fois rêveur et dynamique des Américains de Caspian, venus tout particulièrement pour le Dunk! depuis leur Massachussetts natal et qui donnent tout sur scène, « from the bottom of their hearts » [2].
La journée a été bien remplie et continue jusqu’au milieu de la nuit avec un set DJ complètement barré des Legendary Fries Men, entre Bob Marley, Kiss et la Macarena (si, si), où quelques poignées de chevelus/barbus s’en donnent à cœur joie pendant que d’autres festivaliers sirotent leurs bières en discutant des découvertes et coups de cœurs de ces deux premiers jours.
DAY #3
On y est déjà et on n’en a vraiment pas envie : le dernier jour est arrivé. Enfin, si, on en bave d’envie, de voir la programmation du troisième jour, mais on bave aussi rien qu’à l’idée qu’après la clôture par les ténébreux poètes d’Amenra, ça sera fini et il faudra attendre une bonne année avant de pouvoir tripper à 200% pendant trois jours.
La journée commence par un flamboyant set des Belges d’Ilydaen, au milieu du public. Astralia, Ornaments et The End of the Ocean se suivent ensuite sur la mainstage pour le plus grand plaisir des festivaliers. Mention spéciale pour ce dernier groupe venu d’Ohio, qui balance un post rock d’une belle puissance, où les cinq musiciens (dont deux femmes) ne se laissent pas impressionner par les applaudissements chaleureux des festivaliers et finissent leur set en beauté avec le magnifique We always think there is going to be more time.
À 15h40, la bonne surprise : Doomina, qui avait annulé, est quand même programmé à la scène Stargazer. Oscillant délicatement entre le post-rock et le shoegaze, les membres de Doomina vivent une performance très émotionnelle sur la scène du Dunk!festival, après avoir été victimes d’un accident de la route la veille. Des titres sombres et romantiques comme Beauty ou Gizmo, on en redemande bien volontiers.
Labirinto joue de sublimes nouveaux morceaux et est accompagné sur scène aux percussions par le batteur de Charnia. Le groupe provoque l’émerveillement du public grâce à sa musique orchestrée avec éclat par la splendide batteuse Muriel Curi. Les femmes de cette scène se comptent malheureusement sur les doigts de la main (comme son public) et c’est bien dommage. Car en fait, les « post-musiques » sont des musiques à fleur de peau, sensibles, qui peuvent plaire autant aux hommes qu’aux femmes.
Tandis que Tom Wolf et Innerwoud investissent la Stagazer et qu’on déguste la très prisée Paella (version vegan), Year Of No Light se prépare pour un concert qui revisite des anciens titres, dans un esprit très métalleux et aux lights éblouissants. Ensuite, à la Stargazer, de battre nos cœurs ont continué. En effet, le duo italien Sixth Minor en a mis plein la vue, et a énergisé la scène comme jamais. La Stargazer est devenue un véritable dancehall grâce aux martèlements EBM, le temps de leur set.
Maybeshewill, formation venue de Leicester en Angleterre, ouvre son concert en douceur sur les vagues quasi pop du claviériste, suivies de couches de sons post-rock virant aux limites du math rock. Le groupe monte le son en crescendo pour terminer dans une glorieuse consécration aux effets jubilatoires. Nous sommes tous tombés sous le charme de cette prestation vraiment bien ficelée.
On s’en remet tout juste qu’Amenra est déjà sur la scène, prêt à terminer cette superbe édition en apothéose apocalyptique pour la majorité des festivaliers. Dans les tréfonds de la noirceur, à nos âmes Amenra nous transcende par ses ressacs venant de loin, aux regrets offerts par la poésie âpre et impénétrable du sextuor à l’imagerie visuelle acérée.
Retenons aussi la mémorable after-party livrée par les Legendary Fries Men, où un cercle hip-hop a vu le jour et où une polka dance aura fait rire de bon cœur toute l’assemblée de joyeux drilles (dans un état proche de l’Ohio) qui ne voulaient pas encore en finir avec le Dunk!
Au long de ces trois jours, le Dunk!festival a prouvé et mérité son titre du « plus beau festival post-rock en Europe ». On regrette déjà d’être partis, et on souffre, à l’heure actuelle, d’une méchante dépression post-Dunk!festival. Vivement le 5 mai 2016!
Nancy Junion avec le concours de Félicie Novy