Utrecht, 15h30. On sort de la voiture, et on est directement assaillis par le vent glacé de la ville. D’un petit tour de main (ou de rein, c’est selon), on aide thisquietarmy à s’installer, puis on essaie de se repérer. Et les Hollandais sont très forts pour ça : de multiples pancartes destinées aux piétons et cyclistes permettent de s’y retrouver facilement. On suit donc ce parcours fléché citadin pour récupérer son sésame dans l’enceinte de l’énorme centre musical appelé Tivolivredenburg.
On regarde le programme de la soirée… Allez, on se la fait à pied ce soir, malgré cette bise polaire qui nous mord à chaque coin de rue. A cet instant, on ignore encore que la ville d’Utrecht est bien plus étalée que celle de Tilburg (fief de l’Incubate) et qu’on va se prendre quelques kilomètres dans les jambes. On se met en route vers le Stadsschouwburg où la douce Chantal Acda, se produit, accompagnée de plusieurs musiciens, dont le bassiste Alan Gevaert (dEUS) et un jeune joueur de tuba. Charmante dans sa simplicité, Chantal Acda, nu pieds, semble ravie de jouer à Utrecht, bourgade qu’elle a habitée adolescente. Elle offre au public confortablement installé des comptines tantôt rêveuses, tantôt jazzy, et emporte l’auditeur par son chant délicat et ses notes suaves.
Un premier choix difficile, sachant qu’au même moment, à l’autre bout de la ville (ou presque), sont aussi programmées la jeune guitariste prodige Kaki King et la belle Mirel Wagner. Les sélections sont apparemment aussi compliquées à faire pour les organisateurs que pour les festivaliers.
On a également longuement hésité entre la pop expéri-sentimentale du duo canadien Thus Owls et les percutants It It Anita. C’est finalement le quartette de Liège qui l’emporte, car géographiquement à quelques pas du Stadsschouwburg. Et à notre grande surprise, cette petite marche se fera sous les cordes glacées de cette météo peu avenante. On arrive trempés (mais diable où est mon parapluie ? Oublié au Café Central… à Bruxelles). On se prend un petit Fritz-Kola, une boisson alternative made in Hamburg, dans l’enceinte du centre culturel Moira, sorte de mini Magasin 4 local. Les garçons font leur sound check en 15 minutes top chrono et sont prêts à démonter la scène. Double chant, double guitare, une ligne rythmique vigoureuse et des allures très No Wave, le public est vite conquis par le dynamisme bien trempé du groupe. Très proches de Sonic Youth, ils s’amusent et s’incrustent au milieu du public pour un dernier morceau apocalyptique, déplaçant batterie et batteur, d’abord à l’avant, puis au milieu, puis non loin du bar. Un petit regain d’énergie s’empare de nos corps, désormais secs.
C’est alors parti pour 45 minutes de marche vers la salle la plus éloignée du centre : De Helling. Et sous cette pluie battante, quel enfer. Le plan affiché sur le programme du festival est pourtant très clair, difficile de se planter. Mais on a l’impression que cette marche n’en finira jamais. On arrive enfin au bout de la ville (et du rouleau), et la pluie cesse, juste avant d’entrer dans l’antre du metal utrechtois. Chelsea Wolfe vient de commencer. La salle est bondée. Heureusement, on sèche vite nos corps trempés grâce à la chaleur humaine. Mais la chaleur reste uniquement physique, ce soir. Le public est assez mou. Est-ce lié aux conditions climatiques ? Nous ne le saurons jamais. La mystique Chelsea semble elle-même ne pas être au top de sa forme. C’est son premier concert depuis quelques jours, suite à l’annulation de quelques dates pour cause de maladie. Et elle est sans doute encore un peu faible…
A Place To Bury Strangers ou pas ? Telle est la question qui se pose. A pied, hors de question ! C’est bien trop loin et on arriverait à la fin du concert. Heureusement, on a retrouvé notre ami de thisquietarmy et il est motorisé. On se décide quand même à aller jusqu’au Tivolivredenburg. On trouve une place non loin. Et en fait, on est affamés. On n’a encore rien pu se mettre sous la dent depuis notre arrivée. On a trop couru entre les salles. Vite, on s’engouffre une pita falafel et on monte vers la salle. Et là… la file. Alors, on attend. Le concert commence. Dans les 15 minutes qui suivent, un bon nombre de spectateurs s’enfuient. Ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire. APTBS, ça démonte les oreilles. On arrive à se glisser dans la salle, vite, vite, les boule Quies. Les mecs sont en grande forme. Et en fin de set, ils se plantent au milieu du public pour une séance de basses et rythmiques électroniques déchirant les tympans, nous faisant digérer notre pita à une vitesse v v prime. On craque, et on sort de la salle. On s’assied pas loin, et là, enfin, on savoure leur musique. Bref, APTBS, c’est à écouter en live avec un casque de foreur ou chez soi.
Vidés, on se rend au Helling pour le dernier concert de la soirée. C’est Aluk Todolo qui clôture les festivités du jour. Et c’est appuyés sur les barrières Nadar entourant la console de l’ingé son qu’on déguste la déferlante de notes étranges du combo. Le temps d’un dernier verre avec quelques jeunes Utrechtois, et on se dit que le prochain Guess Who se fera à vélo et avec un imper !
Nancy Junion