Sombra porte bien son nom. Rastaman noctambule et solitaire, il erre comme une ombre dans le bidonville de Reboleira, un quartier majoritairement créole à la périphérie de Lisbonne, naviguant entre les gangs et les embrouilles. Il traîne, refourgue un peu de substance illicite entre les fêtes improvisées au détour d’une ruelle, dans les réunions de gang où planent l’ennui, la violence, les démonstrations de force et la dégustation de brochettes grillées lors d’après-midi ensoleillées.
Pour son premier long métrage, le réalisateur Basil Da Cuncha a voulu parler d’un quartier qu’il connaissait bien, pour y avoir vécu. Il a travaillé directement avec ses habitants, en laissant une grande place à l’improvisation et à la spontanéité. Le résultat est là : filmé au plus près de son sujet, proche du documentaire, dans une démarche presque anthropologique, Après la Nuit plonge le spectateur au plus proche de la vie dans ce qu’elle a de brut, de complexe et d’insaisissable. On est loin d’un film social classique, qui se contenterait de la dénonciation des méfaits de la pauvreté. Ici pas de morale, mais plutôt de la contemplation. On est pris dans ce tourbillon de gens, de rencontres, dans un univers en marge, où la liberté et la joie de vivre sont exprimées d’autant plus intensément que le monde aux alentours est sombre et étouffant. Une ambiance particulière transpire dans chaque plan, on croirait même par instant pouvoir sentir les odeurs.
Reste néanmoins un scénario un peu vide et une construction narrative pauvre. L’histoire tient en quelques lignes, nous fait naviguer de situations en situations à l’aide d’un fil conducteur bien maigre, et l’on n’échappe pas à quelques moments de flottements qui nous permettront de penser à ce que l’on mangera après la séance. Mais le film s’envole avec un final d’une poésie saignante qui emmène le spectateur dans une profonde réflexion sur les mystères de l’insondable âme humaine. Puissant. Au cinéma dès le 5 mars 2014.
Alexis D.