Ils sont cinq, jeunes, presque tous belges, presque tous des mecs, produisent un son néo-psyché de qualité et surtout, nous gratifient d’un album tout droit sorti de la presse (disponible dès le 15 février). Ce soir, la Rotonde accueillera donc pour l’occasion ce groupe résolument décidé à redonner vie à un style et une scène encore peu développée. Retour sur son parcours et la création de son premier LP.
Alors, il s’est passé quoi?
Valérian (chant/guitare) : On a eu l’idée de jouer ensemble avec Bert, il y a 4-5 ans. Greg a rejoint le projet et on a fait de la musique comme ça, à trois, pendant une année.
Bertrand (guitare) : Dans une vieille église.
Valérian : Puis, Juju s’est pointée d’Angleterre et a rejoint le groupe à la basse. En septembre 2011, on a enregistré le premier morceau, See You Fall. C’est mon frère qui a réalisé le clip dans le cadre de ses études. Tim, on l’a rencontré à un concert que j’ai fait au Booze & Blues, juste avant qu’on enregistre. Il m’a donné son numéro de téléphone sur un carton de bière et j’ai attendu cinq semaines avant de le rappeler.
Timothée (guitare/sitar): J’avais oublié qui c’était quand il m’a appelé.
Valérian : Il a écouté le morceau et a toute suite eu l’idée d’ajouter du sitar dessus. Il a réalisé une petite démo chez lui, on trouvait ça cool et il nous a rejoint pour des sessions musique. Il est vite devenu évident que c’était lui la dernière pierre qui manquait à l’édifice. Ensuite, on a répété, écrit pendant 3-4 mois et, début juillet 2012, on a enregistré l’EP qui est sorti en septembre. On a tourné un an avec, pu faire pas mal de concert en Belgique, fait un tournée en France et Suisse, joué dans quelques petits festivals l’été passé… Depuis 8-9 mois, on travaille avec Intersection Booking et on prépare l’album.
On vous compare à des groupes comme les Black Keys. Nous, on penche plutôt pour les Black Angels avec une touche de Beatles, époque psyché. Les influences qu’on retrouve dans votre musique son assez flagrantes, mais quelles sont les vôtres finalement?
Bertrand : On écoute tous des trucs différents. Quand j’étais ado, j’écoutais pas mal de hardcore, la scène belge genre Deviate, Backfire. Des trucs que j’écoute encore par nostalgie et, à côté, des trucs genre rock indie.
Valérian : Nos influences s’étendent sur différentes zones géographiques. Tim écoute pas mal de musique orientale, par exemple.
T’es plus « world » toi, Timothée, en fait?
Timothée : World? Reste polie s’il te plaît. J’écoute de la musique traditionnelle, ok. World, non. Les trucs qui sentent le savon là… Non, j’aime beaucoup la world music, il y a des trucs vraiment cool. Après, le parti pris sonore est un peu vague quoi, pas très défini. Je préfère franchement aller fouiller dans la musique qawwali de Perse, d’Iran ou en Inde où t’as un vrai son défini, plutôt que d’écouter des mariages qui ne sont pas toujours, je trouve, de bon goût. C’est un peu prétentieux de dire ça, parce qu’on utilise le sitar dans notre musique, mais on essaye de faire ça avec parcimonie, sans tomber dans le kitch.
Valérian : Ça peut donc aller du classique contemporain à toute la phase années 60/70.
Bertrand : Ça c’est le tronc commun.
Juliette (basse/chant): Chaque instrument aussi a ses influences. Je sais que pour la basse, j’écoute du funk, des trucs africains, nord-africains, … car ils ont un sens du rythme qui est hyper impressionnant et important. J’écoute ce genre de musique parce que je joue de la basse et que ça me permet d’apprendre des choses par rapport à cet instrument.
Greg (batterie): Ouais, puis comment t’apprends à jouer aussi. Quand j’ai appris à jouer de la batterie, je jouais du punk. Pourtant, on est loin de faire du punk. Mais ce que t’écoutes au moment où t’apprends à jouer ton instrument a une influence sur ton apprentissage.
Votre premier clip sonnait presque comme un plagiat de Black Angels alors que l’EP affiche quelque chose de plus personnel…
Valérian : C’est clair. De toute façon, il faut du temps pour s’émanciper. C’est probablement assez rassurant quand t’enregistres un premier truc, que tu sais pas exactement où tu vas, quand tu cherches encore un peu ton son. On les écoutait beaucoup à ce moment-là donc.. Le reste de l’EP part dans d’autres directions. Il annonce les piste qu’on souhaitent suivre. Encore vendredi passé, on a fait un petit concert acoustique avec Ju et Tim, on a joué de la musique acoustique, ce qu’on adore faire aussi. ça se ressent bien sur l’EP, moins sur l’album mais, clairement, l’idée de l’album était de proposer quelque chose qui allait plus dans une direction précise, avec un son défini.
Vous jouez ce soir à la Rotonde. Vous le sentez comment?
Timothée : Vachement bien quoi… Plus sérieusement, on est tous assez fiers du travail qu’on réalise.
Bertrand : On a moins ce stress maintenant à force de faire des concerts. Tu dois toujours évidemment essayer d’être critique mais la première chose importante avant de monter sur scène, c’est ce qu’on va donner.
Timothée : L’énergie qu’on va communiquer.
Bertrand : On fera un bon concert si on se rend compte qu’on a pris notre pied sur scène. Automatiquement, ça se reflète. Donc le premier et le dernier truc qu’on se dit avant de jouer c’est : « amusez-vous ». Et après c’est pas tellement grave ce qu’il se passe.
Valérian : Jouer à la rotonde, c’est une grande première. Il y a une proximité qui est assez cool avec le public, les meilleurs conditions possibles pour que l’échange se fasse en dynamique dans les deux sens.
Bertrand : T’es collé au gens, les gens sont collés à toi.
Timothée : Tu donnes une énergie et, si elle t’es renvoyée, tu peux la capter facilement et l’amplifier.
Bertrand : Sur Bruxelles, tu peux simplement aller voir un concert ou tu peux aller voir un concert à la Rotonde. Il y a quelque chose d’intimiste tout en étant pro.
Ce n’est pas juste un concert, c’est également la release de votre premier album. Quelques mots sur ce LP?
Valérian : Il s’appelle Pathways Through The Sail. Il contient dix morceaux (une face A et une face B qui comportent cinq titres chacune) et sort sur le label Mottowsoundz.
En vinyle donc?
Bertrand : Et en CD.
Valérian : On l’a enregistré la dernière semaine d’août avec Matthieu Charay au studio Rubens à Schaerbeek. Fin octobre, on a commencé à bosser sur le mix et on a terminé fin décembre. ça a pris pas mal de temps parce que le sessions se sont étalées, on n’a pas fait ça en bloc. Du coup, entre la phase d’enregistrement, le mix et le mastering, ça a pris presque six mois. L’avantage, c’est qu’on a eu du recul entre le studio et les sessions de mix donc on a fait pas mal de boulot de réadaptation, pas mal d’edit sur des morceaux. Après, c’était pas facile, notre ingé son venait à la maison où on avait le matériel qu’il fallait pour mixer mais donc tout ça était mélangé à notre vie privée. On a aussi testé la plupart de morceaux en concert depuis mars/avril. Il n’y a rien à faire, c’est un super exercice. Ça joue dans la décision de les mettre sur l’album ou pas. On a fini le mix début janvier et Jean-Gui Teheux, un autre ingé son avec qui on bosse, nous a vraiment donné un super feedback, avec un recul et une vision claire. Les morceaux ont été masterisés par Chris Keffer, un mec qui fait du mastering au Etats-Unis et qui a notamment bossé sur des albums des Black Keys et le premier LP des Black Diamond Heavies.
Bertrand : Il en a fait un ou deux pour Radio Moscow aussi.
Valérian : Ça a joué aussi dans l’idée d’avoir un son plus défini. On a fait tout ça par mail, c’était marrant.
Qui s’est occupé de l’artwork de l’album?
Valérian : Gaëtan Gauthier, qui est notre colocataire accessoirement.
Des clips en prévision?
Valérian : On sait pas encore pour quel morceau mais un clip devrait sortir au mois de mai.
Des rêves, espoirs cachés ou totalement assumés?
Timothée : C’est pas un passe-temps pour nous…
Valérian : Déjà, puis qu’on puisse tourner le plus possible avec cet album, toucher un maximum de monde et jouer en dehors de Belgique, si possible loin. Faire de grosses tournées, rentrer bien dans le fond des choses, dans les morceaux. Quand tu fais 3-4 concerts à gauche à droite, même si c’est concentré sur une petite période, je pense que ça reste très différent de quand tu tournes deux mois.
Juliette : Ce qu’on essaye de faire aussi, c’est de jouer un maximum avec des groupes qui ne sont pas trop loin, échanger des dates, essayer de se retrouver et créer une petite scène. Souvent, les chouettes groupes qu’on rencontre ont cette envie-là aussi car ce n’est pas facile d’être connectés.
Valérian : Alors qu’avec internet, ils sont vachement sur Facebook mais pas beaucoup dans les bars ou en concert. On croise pas tellement de musicos qu’on connaît en live, c’est quand même bizarre. On a aussi des idées, des projets, pour faire vivre cette scène à différents endroits. On booke de plus en plus de concerts parce qu’on a de plus en plus de contacts et il y a des groupes qu’on veut faire venir. On veut donner de la place, de la visibilité aux groupes mais aussi mettre en place des événements. C’est ce que Timothée a fait avec le groupe norvégien Electric Eye. Il les a proposés à un festival à Lille, dans lequel on a joué l’année passée, ils ont accepté. Du coup, on en a profité pour faire le concert de hier à Namur avec eux. Tout ça ce sont des trucs qui se passent en dehors des réseaux professionnels mais qui sont super.
Juliette : Et qu’il faut développer!
Greg : C’est du donnant-donnant, tu vois, c’est un peu un échange.
Timothée : J’aurais jamais pu travailler sans Louis Bizalion à Lille. Parce que lui, il avait les moyens de faire venir un groupe de Norvège. C’est un réel partenariat, c’est vraiment super cool de pouvoir se dire qu’on travaille à distance avec des gens compétents qui ont la même envie que nous.
Juliette : Ça va au-delà des frontières belges et c’est ça qui est très intéressant, surtout pour cette scène.
Valérian : Parce que finalement, pour la musique qu’on fait, la scène euro-psyché comme on peut l’appeler, elle n’est pas si grande…
Pour finir, un petit plaisir coupable musical?
Valérian : Les morceaux des inconnus, ils sont trop bien… Je sais pas… Johnny Clegg?
Bertrand : Non Val, tu peux pas écouter ça…
Juliette : Norah Jones.
Bertrand : C’est pas vraiment un plaisir honteux ça. Moi, il y a un truc que j’aime beaucoup c’est Marilyn Manson!
Timothée : La Compagnie créole. Et en plus c’est vrai!
Bertrand : Tristement vrai…