Ce 7 février 2014 aura lieu, au Botanique, la dernière soirée de concerts du festival ProPulse, le rendez-vous des arts de la scène. Une affiche idyllique nous y attend avec A Supernaut, Jane Doe and the Black Bourgeoises, Crystal and Runnin’wild, Sons of Disaster ou encore les Progerians. Dans leur local de répète, nous avons assisté en primeur à un set qui va envoyer du lourd! The Progerians ou l’anticonformisme à la belge. Interview…
Vous êtes qui?
Piotr : On est les Progerians, de Bruxelles. Un trio à géométrie variable qui fleurte avec pas mal de styles de ce qu’on qualifie aujourd’hui comme étant le « rock dur ».
Fab : Il faut nier cette expression « rock dur »! J’ai déjà réussi avec Court-Circuit, ils ont appelé ça Loud…
Piotr : On essaye de fleurter avec pas mal de styles comme le doom, le sludge, le punk, le stoner, bref tout ceux dont on est issu. En partant du principe que si j’écoute du Kyuss, à côté d’Electric Wizzard et Pink floyd, d’autres gars peuvent le faire aussi. Donc pourquoi pas le jouer! A géométrie variable car on essaye d’inviter un maximum de gens, talentueux de préférence, pour jouer avec nous et de mettre le doigt où ça fait mal, à savoir : proposer des choses qui sont tellement inadéquates que ça nous fait plaisir. Par exemple, mettre de la trompette sur un morceau doom.
Vous avez une particularité, vous êtes un groupe à trois voix. Vous n’arriviez pas à vous décider?
Piotr : On va répondre à trois!
Thomas : Je crois que ça dépend du morceau. Il y a des titres où intuitivement quelqu’un se lance et si c’est bon pour les trois, ça reste comme ça. Dans d’autres cas, on retravaille, ce sera quelqu’un d’autre qui le fera. Il n’y a pas règles, pas de : « je vais faire une chanson avec Fab, une autre avec Piotr ».
Piotr : Comme on est un trio, il y a de la place pour tout le monde donc pourquoi ne pas en profiter. Autant au niveau du chant qu’ailleurs, on a cette liberté là. On a besoin de remplir la place et on doit utiliser toutes les armes qui sont à notre disposition. Si on peut chanter tous les trois, on chantera tout les trois à un moment donné, histoire que ça ne soit pas chiant.
Fab : Et puis, ça casse aussi un peu l’image du « chanteur et son groupe », avec un leader qui est mis en avant.
C’est quoi le nom du groupe finalement? Progerians, Mighty Progerians, Fabulous Progerians?
Fab : il y a de tout, ouais, c’est un peu le principe aussi de… la géométrie variable, non?
Piotr : C’est aussi un combat contre le conformisme actuel des groupes. C’est vrai, tout le monde doit avoir son petit nom, son petit style très lisse, son logo. Nous on change à chaque fois tout parce qu’on part du principe qu’on vient pour la musique et pas forcément parce que les gens ont reconnu un logo sur un t-shirt.
Un nouveau nom en prévision?
Piotr : Ouais, j’ai fait les Fabuleux Progerians, en français.
Fab : C’est notre période Brel.
Vous parliez de variations de line-up aussi?
Fab : C’est au gré des rencontres.
Thomas : Des connections qui se font au fur et à mesure…
Piotr : Constantin et JP font de plus en plus partie inhérente du truc mais ils peuvent sauter aussi d’un concert à l’autre. C’est pas grave et ils sont les premiers à me dire que ce serait cool qu’on change à chaque fois de line-up. Parfois c’est juste des coups de coeur : on a joué avec Hughes de Castillo parce qu’on avait envie de jouer avec lui. On a joué avec Logan et Greg de Sons of Disaster a chanté avec nous. Il y en aura encore plein d’autres!
Il y a plusieurs EP en écoute sur votre Bandcamp. Pas d’album en prespective?
Thomas : Sur le premier vinyle, on a essayé de rassembler six morceaux. Je crois que c’est une manière pour nous de concrétiser notre style. Le deuxième EP est tout à fait différent, c’est sur celui-là qu’on a ajouté de la trompette. Au fur et à mesure qu’on crée de nouveaux concepts, on enregistre. On a aussi un split EP avec OMSQ.
Vous avez un split avec les Sons of Disaster aussi. Mais pourquoi pas de LP?
Piotr : Il faut savoir que c’est difficile de sortir un LP de nos jours. ça coûte du pognon, il faut avoir plein d’idées, un label aussi. Tandis que les EP sont pour nous une nouvelle manière de laisser des choses derrière nous. Il n’y a pas de règle qui dit qu’on doit sortir un LP, on s’en fout! Le business se passe sur scène et les gens achèteront plus facilement un EP qu’un LP, c’est moins cher pour tout le monde.
Thomas : Je crois que les gens sont trop habitués à ce que les groupes sortent des LP. Comme si c’était une étape clé.
Piotr : Ce sont des EP mais chaque disque couche sur vinyle une année d’efforts.
Donc d’autres enregistrements en prévision?
Thomas : On a environ une date de concert par mois, ça nous permet de prendre plus de temps pour composer. On a quatre morceaux en préparation mais c’est encore compliqué de dire à quoi ça va ressembler. On va essayer d’inviter d’autres personnes sur le projet.
Vous avez deux solides clips. Des gens à saluer pour le boulot?
Fab : Bah toute la bande de Bruxelles quoi.
Thomas : La Bxhell Family mais question de qualité, c’est Yassin.
Piotr : Yassin Serghini, notre caméraman attitré. Le deuxième clip, on l’a monté ensemble. Celui en noir et blanc, on a tout fait à trois. Comme des fous, on a essayé de faire ça syllabe par syllabe. C’était notre exercice de montage à nous, super harassant mais super chouette au final. Une façon de pouvoir créer au-delà de la musique, créer de manière graphique mais animée en plus. On fait nos propres pochettes mais ça, c’est un pas de plus dans la création.
Donc tout l’artwork c’est vous?
Piotr : Toujours, oui.
Fab : J’ai même fait des traits sur celui-là (montrant la pochette d’un des EP).
Et les Sons of Disaster : amis ou rivaux?
Fab : Qu’est-ce qu’il faut dire officiellement?
Piotr : Ça dépend si on réussit mieux le concert qu’eux…
Fab : C’est la famille quoi!
Piotr : La géométrie variable, c’est la même chose pour les autres groupes. On essaye de ne pas se mettre en concurrence avec les gens mais plutôt d’être amis, de coopérer.
Thomas : Les choses fonctionnent mieux pour tout le monde si on les fait ensemble. Si chaque groupe reste dans son local, sans interactions, il n’y a pas de scène.
Fab : Ça s’est passé comme ça pour le hardcore à Bruxelles, le grunge à Seattle et plein d’autres scènes. C’est ça qui a créé, à chaque fois, un mouvement qui a influencé une génération. Enfin, on a pas la prétention de…
Piotr : Si, si…
Fab : C’est une envie cachée on va dire. Des groupes ou des artistes solo qui y sont arrivés, il y a qui : Prince, Michael Jackson. Puis la musique, au niveau réussite, c’est pas mathématique, c’est pas comme les jeux olympiques où t’as une médaille d’or, une médaille d’argent et une médaille de bronze. Il n’y a pas de classement.
Thomas : Le plus beau résultat justement c’est le fait qu’on joue tous ensemble.
ça représente quoi d’ailleurs pour vous le concert du Bota?
Fab : Comme dit Thom, c’est un peu le résultat d’un long travail de réunion de la scène.
Piotr : C’est vrai que c’est pas un hasard si on se retrouve tous à jouer là. Il y aura des copains ce soir-là.
Fab : Ça fait trois/quatre ans que ça se prépare, même plus. Je pense que de la part des organisateurs, ça s’est imposé comme étant quelque chose de tout à fait cohérent, avec une logique derrière.
Vous avez des ambitions secrètes ou totalement assumées?
Piotr : Moi je veux coucher avec Thomas!
Piotr : Sortir un maximum de disques, de toute façon.
Fab : Ouais, faire un max de chouettes concerts, voyager, …
Piotr : Avoir de l’inspiration surtout!
Thomas : J’aimerais bien qu’il y ait plus de groupes qui adhèrent au même mouvement.
Fab : Ouais, et qui se bougent le cul aussi!
Piotr : Il y en a plein qui sont hyper bons et qui mériteraient vraiment d’avoir plus de visibilité.
Un petit plaisir coupable musical à nous avouer?
Piotr : J’en ai un vraiment coupable! Belle-île-en-Mer de Voulzy. Désolé, c’est horrible mais c’est comme ça.
Thomas : J’adore tout ce qui est « années 80 », les trucs de films, comme le générique de Miami Vice. C’est bizarre, si j’avais dit « années 80 » genre il y a six ans, tout le monde aurait dit : WTF?!
Piotr : Tu ne l’aurais pas dit il y a six ans!
Fab : C’est comme Prince, c’est le seul mec qui peut faire du kitch. Il y en a d’autres qui essayent de faire du kitch mais lui, il est né comme ça. Il serait né deux siècles plus tard ou deux siècles plus tôt, il aurait fait la même chose.