1er janvier 2009 : au petit matin, alors que les festivités liées au passage de l’an se terminent lentement, un fait divers dramatique se déroule à Oakland, ville voisine de San Francisco. Une histoire qui rappelle douloureusement que 150 ans après l’abolition de l’esclavage, il ne fait toujours pas bon d’être noir en Amérique du Nord, même dans un état réputé libéral.
Dans la lignée de l’affaire Rodney King et avant la récente affaire Trayvon Martin, il y a eu l’affaire Oscar Grant. Ce jeune afro-américain de 22 ans avait été abattu d’une balle dans le dos par un policier, dans la station de métro Fruitvale ; alors qu’il était maîtrisé, face contre sol.
Fruitvale Station est le premier long métrage d’un jeune réalisateur (27 ans), Ryan Coogler, lui-même afro-américain né à Oakland. Ce film ne retrace pas les suites de cet acte, autrement dit, les manifestations populaires et le procès de l’auteur du coup de feu mortel (au cours duquel celui-ci osa plaider avoir confondu son arme de service avec le Taser qu’il voulait utiliser), mais les dernières 24 heures d’Oscar Grant avant l’issue fatale.
Ce long-métrage est une peinture sans concession d’une Amérique du Nord où, malgré le métissage, lorsque vous êtes noir et que vous cherchez une carte d’anniversaire à offrir à votre mère, vous ne trouvez que des cartes représentant des mères blanches entourées d’enfants tout aussi blancs ; d’une Amérique du Nord où le simple fait d’être noir vous rend directement coupable aux yeux de la police.
Ryan Coogler ne fait aucun mystère de son parti pris manifeste pour Oscar Grant, qu’il suit pas à pas durant ses dernières 24 heures. Heures durant lesquelles il s’était décidé à changer de vie, à devenir un meilleur père pour sa fille, un meilleur mari pour sa femme et un meilleur fils pour sa mère. Et il est vrai qu’on ne peut avoir que de l’empathie pour cet homme (excellemment interprété par Michael B. Jordan) qui a décidé de rentrer dans le droit chemin mais dont l’élan est stoppé net par une rencontre funeste. D’autant que le réalisateur n’hésite pas à noircir le trait lorsqu’il s’agit des policiers. Ces derniers semblent tout droit sortis d’un escadron de la Waffen-SS et sont dépourvus de la moindre humanité (l’auteur du coup de feu mortel menotte Oscar Grant alors que ce dernier est en train de se vider de son sang, affirmation des proches de la victime qui ne sera cependant jamais prouvée dans le cadre du procès).
Ce film nous fait vibrer tant par le traitement du sujet que par l’interprétation impeccable de ses différents acteurs et mérite très largement les différentes distinctions dont il a été honoré (Grand Prix du Jury américain dans la catégorie « fiction », Prix du public au Festival de Sundance, Prix de l’avenir “un certain regard” au Festival de Cannes, etc.). Et même si l’issue fatale est connue d’avance, le fait de suivre Grant durant ces 24 heures nous offrent la possibilité d’imaginer cet homme changer de vie, la fin n’en étant que plus injuste et douloureuse. A voir absolument!