25 octobre 1983, un homme d’une quarantaine d’années arpente la chaussée de Haecht à Schaerbeek quand il entend, au loin, quelqu’un crier son prénom : Marcel! Marcel! C’est Carlos (Damata). Un transistor sur l’épaule, il est venu prévenir son ami : Radio Panik vient de faire son entrée sur les ondes FM. Trente ans ont passé depuis ce jour. Trois décennies d’existence de cette radio associative belge qui sont aujourd’hui commémorées par le biais de divers événements… mais surtout une histoire. Une histoire sur laquelle revient, pour nous, Marcel Xhaufflaire, l’un des fondateurs de la station.
Comment est née Radio Panik et quel a été votre rôle à l’époque?
Radio Panik est née au sein du Crayon Libre, un collectif dont j’étais administrateur. Ce groupe éditait un journal local à Schaerbeek et Saint-Josse jusqu’à ce que la majorité de l’équipe estime qu’il était approprié de créer une station de radio pour toucher un frange plus importante de la population. Soutenus par une série d’associations schaerbeekoises qui nous ont permis d’acheter un émetteur, on a trouvé un local rue Gillon et on a commencé à émettre. A l’époque, il n’y avait aucune réglementation, les radios occupaient les ondes de façon clandestine, s’opposant au monopole d’Etat sur le radiodiffusion. C’est ce qu’on appelait les radios libres ou radios pirates. Très vite, Radio Panik a été reconnue par le Ministère de la Communauté française, en tant que radio associative. Au chômage à ce moment-là, j’ai eu la chance d’être employé à la radio et donc de participer à son émergence.
Il faut savoir que, dans les années 80, la commune de Schaerbeek était dirigée par Roger Nols, un bourgmestre aux idées d’extrême droite. Il ne faisait rien au niveau social pour les couches les plus pauvres de la population, il ne rénovait rien dans la commune et n’avait de cesse que de répendre une idéologie contre les immigrés et même contre les flamands. Nous étions un groupe de gens de gauche, au sens large du terme, progressistes en politique comme en musique. Au départ, la programmation se composait d’émissions d’information organisées par l’équipe de base, d’une programmation musicale composée selon les envies des bénévoles (qui apportaient leur propre matériel) mais aussi d’émissions communautaires organisées par des personnes d’origine étrangère. Turcs, Marocains, Albanais, Italiens, Grecs, Espanols, Kurdes, Arméniens, … ils étaient nombreux à vouloir prendre la parole. Ce qui était frappant, c’est que malgré notre volonté de mettre en avant l’interculturalité, les différentes communautés représentées au sein de Radio Panik restaient assez étanches donc on a dû travailler pour améliorer la communication et créer une certaine convivialité au sein de la radio.
Pourquoi Radio Panik?
L’assemblée générale n’arrivait pas à se mettre d’accord sur un nom. Après de nombreuses heures de discussion, quelqu’un a proposé Panik et sa proposition a été adoptée… un peu parce que tout le monde était fatigué mais aussi parce que « panik » avait l’avantage de se dire de la même manière dans toutes les langues. Même chez les Papous on dit « panik »! C’est un des rares mots qui est totalement universel.
Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez dû faire face?
Pendant tout un moment, il a été très difficile de nous faire entendre au sens propre du terme. Les radios commerciales émettaient tellement fort que toute la bande FM était bouchée et nous n’avions pas les moyens pour les contrecarrer : c’était la guerre des ondes! Nous avons traversé une période de doutes pendant laquelle beaucoup d’entre nous se sont découragés, certains ont même quitté la radio… mais d’autres sont arrivés, on a fait le gros dos et finalement, après trois/quatre ans, une réglementation en matière d’attribution des fréquences a vu le jour. C’est donc seulement à partir de 87 qu’on a réellement pu commencer à mettre en oeuvre nos grands objectifs du départ.
Est-ce qu’il y a un événement ou une personne qui vous a marqué au cours de votre carrière?
Je me rappelle d’un 1er mai… J’étais au studio, je passais de la musique, m’occupais des billets d’information et, pendant ce temps, Philippe (Lievrouw) se baladait en ville avec un petit enregistreur. Dès qu’il captait quelque chose d’intéressant, il se rendait dans une cabine publique, démontait le téléphone et branchait son enregistreur au réseau pour me faire parvenir ses captations. Je diffusais le tout sur antenne grâce à un micro collé au cornet du téléphone du studio. ça m’a marqué de voir comment, avec des moyens qui semblent ridicules à l’heure actuelle, on arrivait à faire une émission.
Ecoutez-vous encore la radio aujourd’hui?
Je suis très intéressé par la création sonore donc j’écoute Radio Panik le matin. Sinon je n’écoute pas d’autres stations à moins qu’elles proposent elles-mêmes une tranche dédiée à la création, comme c’est le cas de France Culture et de Radio Grenouille (Marseille) ou encore des webradios à la carte : Arte Radio et Silence Radio.
Vous avez envie d’en savoir plus sur Radio Panik et l’évolution du paysage radiophonique belge en général? Découvrez la série de reportages audio Comme Un Avion Sans Aile, écrite et réalisée par Marcel Xhaufflaire.