Neuf septembre deux mille vingt-et-un (cela fait très solennel de l’écrire en toutes lettres). Premier live report depuis… un temps considérable. Quoi de mieux pour reprendre du service que de retourner dans un de nos lieux favoris ? Oserait-on dire, un de nos événements favoris ? Les Nuits Botanique. On se faufile dans les doux recoins de la Rotonde, entre une scène parc accueillant Pomme et une Orangerie raisonnant au son de l’auto-tune de Green Montana. En réalité, on découvre quasiment ces noms en écrivant cette review, car l’artiste qui nous a attiré en ce lieu, depuis trop longtemps déserté, est Jozef Van Wissem.
On arrive donc, pluie battante, détrempé·e·s, dans une Rotonde modérément remplie. Sur scène, un visage bien connu de la scène bruxelloise. Agent actif de la sphère culturelle alternative, Dominique Van Cappellen-Waldock nous présente ce soir son nouveau projet : Fleur de Feu. Entre live et performance, elle nous propose un genre de récital épuré et poétique, à fleur de peau, autours des feux qui se sont éteints durant le confinement. Accompagnée d’une lancinant ligne de basse et d’une guitare vacillante, le ton est donné : ce soir, on voyagera, on planera, on ressentira.
La scène est ensuite réduite à son strict minimum. Des micros, une chaise, un repose-pied, place au maestro Jozef Van Wissem. Originaire de Maastricht, le néerlandais est un musicien en constant mouvement. Dans les années 90, c’est à New York qu’il étudie le luth, qui deviendra son instrument. Considéré comme un des – si pas le – meilleurs joueurs de luth occidental, Van Wissem a réussi à faire sortir cet instrument de la désuétude en lui insufflant son approche avant-gardiste. De notre côté, c’est au moment de sa collaboration avec le réalisateur Jim Jarmusch, sur la BO du film Only Lovers Left Alive, sorti en 2014, qu’on l’a découvert. Puis ensuite, lors de cette remarquable représentation au Cinéma Palace, pour la promo de son album We Adore You, You have No Name (sublime album au passage) qu’on a pu l’apprécier pleinement en live.
C’est avec une joie non dissimulée qu’on attendait donc cette soirée. Un concert de Van Wissem, c’est un met qui se déguste avec ses oreilles mais aussi sa sensibilité. Un live de Van Wissem, c’est un trip, l’envoutement garanti, une invitation au voyage. Le temps d’un instant on se pose et on guette. On observe ses doigts produire de délicates sonorités et on espère l’esquisse d’un sourire sous l’air toujours très grave du musicien. Le gars devant nous n’est pas là pour se la jouer, il est là pour jouer. La premier partie du live est uniquement instrumentale, mais le chant pointe finalement le bout de son nez en fin de set. Derrière nous, on susurre : depuis tantôt, j’ai l’impression de voir Iggy Pop avec un luth. D’abord surpris·e, force est de constater la pertinence de ces propos. Quand, tel un luth hero, il lève son instrument au ciel, scande ses litanies au fil des coups sur les cordes et joue debout lors du rappel, comment ne pas observer une forme d’égérie punk/goth qui se joue des dictats du genre, dans ce cas précis, le baroque ?
Encore une fois, on sort du Botanique le cœur léger et l’esprit plein d’un moment unique.