Maxime, 44 ans, est stagehand et technicien du spectacle depuis maintenant sept ans. Il travaille en intermittence et ce métier est sa principale source de revenu, avec le chômage.
Comment as-tu vécu la crise du Coronavirus ?
Dès février, on l’a senti venir : les événements de plus 5000 personnes ont été interdits. Et puis du jour au lendemain, paf, confinement pour tout le monde. Ma dernière mission professionnelle remonte à mars 2020. Le confinement nous a tous pris de court. On a été les premiers touchés et je pense que l’on sera les derniers à reprendre notre travail.
Et financièrement, comment as-tu fait ?
Je touche toujours le chômage, mais les fins de mois sont difficiles et arrivent plus tôt que prévu. Heureusement, j’ai la chance d’avoir des économies pour faire tampon. Et encore, je m’en sors mieux que la plupart de mes copains qui n’ont pas d’allocations de chômage du tout. Il y a des choses qui ont été mises en place mais ça a pris du temps. J’ai des amis qui ont dû attendre le mois de décembre pour toucher leurs premières indemnités.
Comment t’es-tu adapté à la situation ?
Je vis des petits boulots mais cette situation n’est pas tenable sur le long terme. Je me suis adapté, je vis seul donc je n’ai de grandes dépenses. Je fais partie des chanceux, même si vivre comme ça, ce n’est pas gai.
Quelle aide financière mais aussi psychologique as-tu pu avoir ?
Amplo, l’ancien t-heater, un secrétariat social pour le secteur créatif, mais aussi des boîtes comme Step in Live et Rock’n Bolle nous tenaient au courant de ce qui se faisait au niveau politique, syndical et des partenaires sociaux. On était bien informé·e·s. Le secteur est soudé, c’est un petit milieu, on se connaît tous et toutes.
Et moralement aussi, vous êtes soutenu·e·s ?
Les réseaux sociaux ont permis de garder le lien. Et puis, au déconfinement cet été, on a fait des trucs entre collègues. On a eu 2-3 petits boulots en septembre. Ça maintient le lien social, ce qui est important aussi.
Vu de la situation, envisages-tu de changer de voie professionnelle ?
Ben écoute, c’est le boulot que j’ai gardé le plus longtemps, on va dire. J’ai commencé au bas de l’échelle et j’ai appris sur le tas. Technicien du spectacle ça veut tout et rien dire. On est très polyvalent. J’ai des formations pour conduire des nacelles et j’ai envie de rester dans ce milieu. Et si je veux évoluer dans l’audiovisuel, il y a Internet mais ce n’est pas mon fort.
Quel avenir pour la musique live ? Comment se passeront, selon toi, les concerts du « futur » ?
J’ai entendu un spécialiste dire que les grands festivals et concerts ne reviendraient pas avant 2022. Ça nous mène loin. Mais dans les théâtres, les cinémas et les petites salles de concert, il y a moyen de faire des choses. Je ne comprends pas pourquoi la situation est bloquée comme ça. Pourquoi les métros, les supermarchés et pas les cinémas ? Être considéré·e·s comme non-essentiel·le·s c’est pas facile, psychologiquement ça nous touche. On a l’impression que tout ce qu’on fait ne sert à rien.
En cette période morose, quel morceau te remonte le moral ?
En ce moment, ce qui me fait du bien, c’est Mort aux Cons de Tagada Jones. Je suis un peu paf, un peu déçu. Alors cela me redonne du moral. C’est vrai qu’en ce moment j’ai du mal à me réinventer, je ne fais plus rien.
As-tu une anecdote de travail à nous livrer ?
Il y a les gros concerts qui marquent. Et puis aussi, Jamel Debbouze qui passe tranquille nous faire un coucou alors qu’on était en train de démonter. On sent que le gars il n’a pas oublié d’où il vient.
Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose ?
Ben tu sais, nous on est des « hommes et des femmes de l’ombre ». Normalement, on est fait·e·s pour ne pas être vu·e·s. Souvent, j’entends les gens se plaindre du prix du spectacle. Mais, en fait, tu ne payes pas que l’artiste, tu nous payes nous aussi. Produire un spectacle, c‘est chaud. C’est pour ça que je pense qu’il va y avoir beaucoup de faillites. D’autant plus avec le Brexit. Toutes les productions américaines passent par une prod anglaise… Là aussi ça va faire mal !