Après les salles de concert, BeCult a pris la température au sein des maisons de disque afin de savoir comment elles traversaient la crise liée à la pandémie. Deux labels ont gentiment accepté de répondre à nos questions, l’un implanté au nord du pays (Gand), Consouling Sounds, dirigé par le couple formé par Nele Buys et Mike Keirsbilck, et l’autre basé dans le sud, et plus précisément à Charleroi, Black Basset Records, représenté par Didier Gosset.
Deux labels qui n’entendent pas se limiter à un genre particulier mais davantage casser les codes et les frontières, Consouling Sounds n’hésitant pas à passer du classique au metal en passant par le drone. Black Basset Records ayant, pour sa part, vocation depuis sa création en 2013 « à mettre en lumière des musiques peu ou pas couvertes par les médias« , et qui sept années plus tard ne compte pas moins de 30 sorties à son actif, essentiellement en format vinyle, et regroupe en son sein des groupes tels que La Jungle, Jean Jean, Atlas, Billions of Comrades, Choolers Division ou encore Pedigree.
Deux structures cependant très différentes et pour lesquelles l’arrêt des activités culturelles n’a pas eu le même impact. En effet, pour Nele et Mike, il s’agit de leur activité professionnelle. Ils ont donc tout fait pour continuer à faire tourner la boutique, mais ont été contraints de mettre la personne qui travaillait pour eux en chômage temporaire, de mettre momentanément en suspens leurs productions et leur collaboration avec le freelance qui travaille normalement avec eux dans le cadre de ces projets. Pour Didier, l’impact n’a pas été d’emblée aussi violent puisqu’il est bénévole au sein de l’asbl Black Basset Records.
Du fait des ces différences, les conséquences financières ne sont également pas appréhendées de la même manière par les deux structures : Consouling Sounds ne pouvant pas encore chiffrer les pertes mais espérant limiter au maximum la casse, alors que pour Black Basset Records, l’impact financier est davantage subi par les groupes qui avaient des dizaines de concerts programmés durant la pandémie et qui ont vu, du jour au lendemain, leur source de revenus se tarir. Didier estime ainsi les pertes pour les groupes produits par Black Basset Records à des milliers d’euros. Le label n’est pas pour autant épargné, en raison de la baisse des ventes de disques et autres supports physiques liée à l’arrêt des concerts et à la fermeture des disquaires. Là aussi, difficile de quantifier, mais l’estimation se chiffre également en milliers d’euros.
Là où on retrouve un problème commun, c’est au niveau de la programmation des sorties : des releases prévues durant le confinement ont dû être reportées, de même que d’autres sorties remises à l’automne 2020. Consouling Sounds avait notamment prévu l’enregistrement de deux groupes américains dont la venue en Europe a bien évidemment été postposée. Pour Black Basset Records, c’est la sortie de l’album Spotted Horse, du groupe américain Glassing, de même que leur tournée européenne, qui ont été reportées. Le problème qui se pose, c’est la pertinence de sortir cet album en 2021, alors qu’il date de 2019. Black Basset Records a également été dans l’obligation d’annuler deux soirées de concerts : l’une prévue en mars à Paris avec Jean Jean et Quadrupède, et l’autre en avril avec La Jungle, ALL CAPS et Bolt Ruin. Didier espère une reprogrammation de ces soirées en automne, ainsi que la tenue de sa label night, fixée le vendredi 30 octobre à Charleroi.
Nous nous demandions quelles alternatives avaient été mises en place en vue de continuer la promotion des albums. Tous deux ont fait état du livestream, avec clairement beaucoup plus d’enthousiasme à son égard dans le chef de Nele et Mike, qui estiment que « ce procédé a permis à plusieurs musiciens d’être mis en lumière » et réfléchissent à poursuivre de telles initiatives dans le futur. Didier nous précise pour sa part qu’ALL CAPS a participé à une captation live dans un château à Bruges pour Radio Rood et que La Jungle a enregistré une session live, début mai, au Alter Schlachthof à Eupen, mais « qu’il s’agit d’initiatives très marginales car les artistes défendus par Black Basset Records sont avant tout des artistes de scène et que rien ne peut vraiment la remplacer« . Il n’en demeure pas moins que La Jungle sera en concert livestream depuis Utrecht le mois prochain et devrait participer dans les prochains jours à un nouveau projet interview/livestreaam organisé par le Rockerill.
En ce qui concerne le public-cible de ces deux labels, la conclusion est qu’il a très peu changé sa manière de consommer. Aussi bien Consouling Sounds que Black Basset Records ont continué à vendre des disques et à les adresser à leurs acheteur•se•s par voie postale. Didier, pour sa part, estime les ventes « quasi similaires à une année normale« . Quant à Nele et Mike, ils ont continué pendant le confinement à conseiller des gens en ligne ou via Facebook, leur assurant ainsi un service personnalisé et ce malgré la fermeture physique de leur magasin.
Le grand perdant est manifestement le streaming, Didier expliquant cette baisse par le fait que les gens sont restés chez eux et associent l’écoute de musique sur des plateformes comme Spotify ou Deezer à des moments de vie qu’ils n’ont pu avoir en raison du confinement, tels que les trajets en transports en commun ou le sport, par exemple.
Ce qu’on retient surtout de notre rencontre avec Nele, Mike et Didier, c’est la passion manifeste qu’ils ont pour la musique, les musicien•ne•s et leur label. Alors, cerise sur le gâteau, on leur a demandé quels étaient les disques à acheter en ce moment.
Mike et Nele Sur Consouling Sounds :- IIVII – Grinding Teeth
- Of Blood Mercury – Strangers
- Ulveblod – Omnia Mors Aequat
- Hypochristmutreefuzz – Hypnos
- Crowd of Chairs – Mod Kid With Dog
- Motsus – Oumuamua
- Carneia – Voices of the Void
- Wheel of Smoke – Sonic Cure
- Ars Veneficium – Usurpation of the Seven
L’album Spotted Horse de Glassing dont les versions CD et K7 seront disponibles très prochainement : « Cet album était l’un de nos bijoux de 2019, c’est un album très fort et très sombre, essentiel à nos yeux« . Ses copains liégeois de Daggers de retour avec leur nouvel album Neon Noir Erotica, disponible en précommande. Les incroyables nordistes de Fall of Messiah et le premier single, Contreforts, de leur nouvel album, à venir chez les Anglais de Holy Roar Records, dont l’écoute l’a retourné. Un des ovnis belges de 2020 : Bààn avec Reset. Et pour terminer, dans un tout autre registre, le nouvel album des Anversois de Bear, Propaganda, sorti chez les Allemands de Pelagic Records.