Le BIFFF, c’est un peu ce copain sympa mais un peu lourd que l’on retrouve chaque année. Et chaque année, on se dit : c’est la dernière fois ! Pourtant, on y retourne, presque malgré soi, avec ce plaisir coupable et un peu gêné, plaisir doublé de cette excitation qui caractérise une bande de sales gosses qui se marrent à l’avance en imaginant les bêtises qu’ils vont commettre.
Bref, le festival est de retour pour sa 37e édition. Bientôt quadra mais toujours fringuant, il nous gratifie comme à son habitude, de péloches estampillées ‘qualité BIFFF’. Des films qui se succèdent, dans un joyeux tintamarre de gore, de surréalisme et d’expérimentation. Des films qui cherchent leur chemin entre le nanar et le blockbuster, entre le film d’auteur et la machine formatée. Le tout projeté devant cette foule en délire, propre au festival bruxellois, ces aficionados vociférant à tue-tête les classiques « La porte! » (quand une porte apparaît à l’écran), « Ta gueule » (lors d’une explication un peu longue) et le célèbre « J’ai rien compris » (lors du final). Pour cette première partie, on a choisit dans vous emmener en voyage pour un tour du monde des pays qui, de prime abord, ne semblent pas être les premiers de cordées dans le domaine du fantastique et du thriller.
On ne peut pourtant pas s’empêcher de faire une exception en s’intéressant à American Animals, petit thriller US réalisé par Bart Layton. Cacheté dès le départ par un usé jusqu’à la corde ‘true story’, l’objet n’est pas dénué d’intérêt. Le pitch est relativement banal : deux ados, désabusés et fauchés, décident de cambrioler la bibliothèque de leur bahut. Celle-ci cache en son sein un trésor d’une valeur inestimable : la première édition d’un imprimé de Darwin et une magnifique reliure d’un livre d’illustrations daté du 19e siècle, American Animals. La fortune semble donc tendre les bras à un groupe de pieds nickelés qui se rêvent de la bande à Danny Ocean. Si l’histoire est relativement convenue, l’intérêt réside dans le parti pris du réalisateur, qui choisit de confronter la fiction aux réels protagonistes du braquage et à leurs souvenirs parfois un peu vacillants. Le tout pour arriver au constat que, finalement, la vérité est un concept fragile, même pour ceux qui en sont les témoins.
On continue notre périple en Espagne avec le sympathique Crime Wave de Garcia Querejeta. Comédie horrifique légère retraçant l’histoire d’une mère de famille qui se retrouve avec le cadavre encombrant de son ex-mari, assassiné par son propre fils, sur les bras. Elle va devoir gérer, de façon efficace mais maladroite, son gamin un peu attardé, son pote obsédé, une petite amie sadique et des flics corrompus, le tout, dans une ambiance que n’auraient pas reniée les frères Cohen dans les années 90. Le film est drôle, rythmé mais pêche par une réalisation trop ‘téléfilm’.
Tout le contraire du Hongrois X-The Exploited, réalisé par Karoly Meszaros. Le film est une plongée sordide dans les méandres d’une société hongroise en pleine mutation. Une vague de suicides semble masquer des crimes à connotation politique. Une inspectrice de police, bouffée par des crises de panique, va tenter de démêler le vrai du faux en luttant à la fois contre ses fantômes, une bureaucratie oppressante et un tueur cruel et insaisissable. Le métrage est une plongée anxiogène dans un Budapest rongé par ses doutes et sublimé par une mise en scène au cordeau doublée d’une photo magnifiant la laideur de façon troublante. Hélas, le film se perd dans un scénario parfois un peu bancal et volontairement tordu.
Avec Crimenes Impossibiles de l’Argentin Hernan Findling, présenté en première mondiale au BIFFF, on retourne dans l’horreur plus basique. Que se passe-t-il quand une nonne assassine en rêve des quidams de façon totalement aléatoire ? Les victimes sont elles vraiment choisies au hasard ? N’y aurait-il pas une explication plus mystique derrière tout cela ? Et si tout était lié… et si… et si… Film à tiroirs, Crimenes Impossibiles essaye de nous la rejouer Sixième Sens en passant par la case Échelle de Jacob. Amusant pour les novices du genre, pour les amateurs, il est plombé par son budget minimaliste, ses trois décors, son interprétation et sa bande son bien trop présente. Son mérite : nous pousser à revoir le bijou d’Adrian Lyne.
Avec le russe Quiet Comes The Dawn, on retourne dans la ‘qualité BIFFF’. Et c’est simple, on ne pige rien… La jeune Sveta assiste, impuissante, au suicide de son frère dépressif. Mais pourquoi ? se demande-t-elle avec beaucoup d’emphase. Peut-être y aurait-il une corrélation entre la mort de son frère, une secte adoratrice d’un démon surgissant dans le sommeil et ses soudains cauchemars ? Elle décide donc de se rendre dans un institut du sommeil qui va lui permettre de prendre le contrôle des ses propres cauchemars. Et c’est parti pour le grand n’importe quoi scénaristique : sommes nous dans un rêve ou dans un rêve dans un rêve ? Dans le rêve de quelqu’un d’autre ? Dans Inception ou dans Freddy 3 ? Mais qui sont ces gens ? On crie, on galope dans des couloirs, vers la chute tant attendue. Chute qui permettra au public de conclure par un bien à-propos : « J’ai rien compris ».
Notre coup de cœur va au norvégien The Quake de John Andreas Andersen. Le pitch est simple mais le film est aussi spectaculaire qu’intimiste. Beau et douloureux comme les paysages de Norvège. Kristian est un géologue qui a tout perdu lors d’un tsunami. Vivant loin du monde, isolé, il découvre qu’un tremblement de terre d’une magnitude jamais rencontrée pourrait tout simplement rayer Oslo de la surface de la terre. Alors, oui, le film reprend tous les poncifs des films catastrophes des années 70. Il y a l’homme qui sait et que personne n’écoute, les autorités aveugles, les signes avant-coureurs dont personne ne semble s’étonner, la famille dysfonctionnelle qu’il faut sauver. Tous les ingrédients sont là et ça fonctionne. Pas de surenchère, pas d’actes héroïques incroyables, juste des gens ordinaires confrontés à une situation extraordinaire. Le tout emmené par une mise en scène organique, portée par la nature sauvage et immaculée qui entoure l’extrême modernité des villes. Le film se clôture en apothéose par un séisme ultra-violent, emportant l’homme et ses rêves de grandeur. Cet Icare moderne porté sa technologie, sa modernité et son insolence n’essayera pas, ici, de quitter le sol vers le soleil mais sera happé par la toute puissance de celle qu’il essaye vainement de corrompre par ses velléités de profit, sa propre mère : la terre.
Ce soir, le BIFFF repartira sur la pointe des pieds et on en profitera pour écrire la deuxième partie de notre compte rendu.