Mardi 30 octobre 2018. Ce soir, Thisquietarmy joue en première partie d’Acid Mothers Temple au Magasin 4. Deux groupes friands d’expérimentations sonores aux univers pourtant relativement différents.
Habituellement seul sur scène derrière sa myriade de pédales d’effet, sur cette tournée, Eric Quach est accompagné par un live band (guitare, basse, batterie et cuivres). Le même avec lequel il a enregistré son dernier album en date The Body and the Earth, sorti le 12 octobre. Un quatre titres qu’on aura l’occasion d’entendre en intégralité ce soir.
Les musiciens montent sur scène environ dix minutes avant l’heure prévue. Leur but : jouer plus longtemps. Quand on arrive sur place, ils sont donc déjà au travail. On les écoute d’abord de loin, le temps de commander une bière et de se faufiler à travers la foule déjà bien dense. Tandis que les derniers accords de From Darkness résonnent dans la salle, on en profite pour se rapprocher du frontstage. Les visuels qui défilent sur l’écran en fond de scène ont quelque chose d’hypnotisant. Toujours aussi léchés – comme tout ce que crée le Montréalais – ils viennent renforcer la cohérence de l’ensemble en évoluant en harmonie avec la rythmique.
Plus puissantes, les nouvelles compos gardent la patte de leur créateur. Ceux qui aiment quand ça crache sont servis, les autres un peu moins. Il est vrai que les variations mélodiques sont moins perceptibles quand ça joue fort mais Eric Quach démontre ici tout son talent à passer d’une ambiance intimiste en solo à un déploiement de gros riffs portés par une armée de bras, beaucoup moins calme qu’à l’accoutumée. Le set file à une allure incroyable, si bien que quand la fin sonne, on ressent une certaine frustration. Il est déjà l’heure pour les Canadiens de céder leur place au groupe culte de la scène pysché japonaise : Acid Mothers Temple.
Né en 1995 au sein d’une communauté de beatniks installée dans les montagnes non loin d’Osaka, Acid Mothers Temple s’articule autour de quelques membres permanents – dont Kawabata Makoto, son fondateur – régulièrement rejoints par des invités. En deux décennies d’existence, ces Japonais à la discographie foisonnante se sont imposés comme de véritables bêtes de scène. Rien ne permet mieux en effet d’apprécier leur musique que les conditions du live, car c’est au travers de leurs performances que la magie opère, lorsqu’ils laissent libre cours à l’improvisation.
Higashi Hiroshi, le visage caché sous sa crinière argentée trône à l’avant-scène, derrière son synthé. Avec Kawabata Makoto à la guitare, ils constituent le noyau dur du groupe. Satoshima Nani, le batteur, et Wolf, le bassiste, n’ont véritablement intégré la formation que depuis peu d’années. Ce soir, ils sont accompagnés sur scène par Jyonson Tsu, le tout nouveau chanteur-guitariste du groupe, reconnaissable à sa chevelure (synthétique) rousse.
Les Nippons maîtrisent les crescendos épiques comme les maelströms de riffs fuzz. Pendant une bonne heure, ils nous emmènent dans un trip halluciné obsédant, presque chamanique. Du space-rock joyeusement bordélique qui marque par son inventivité mais peut tout aussi vite conduire à l’overdose. D’atmosphères planantes en début de concert, ils passent progressivement à un déferlement de décibels incontrôlable avant de conclure leur prestation dans un chaos bruitiste. Une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie, même si on a par moments frôlé l’indigestion.