Début avril, l’Ancienne Belgique organisait son Broadcast Festival. Un événement indoor qui ouvre le champ des possibles et pose une programmation pointue et cosmopolite. Après des invités de prestige tels que Lisa Gerrard ou une Turkish Pyschedelica Night, dont quelques amis nous parlent encore, BeCult s’est aventuré à la (grosse) soirée estampillée The angriest/most political band in Britain. À l’instar d’un Kreun et de son Sonic City, le BRDCST pose lui aussi, mais le temps d’un soirée, son ‘curated by’.
Le lien entre le nom de la soirée et son curateur est aisément identifiable puisqu’il s’agit du duo d’en•r/g•agés made in UK, Sleaford Mods. Les Nottinghamiens n’ont pas pris leur tâche à la légère et ont construit une affiche en total accord avec l’esprit de la soirée. Elle est composée d’ami•e•s et de musiques radicalisé•e•s, pour la plupart lié•es au label Harbinger Sound de Steve Underwood, manager du groupe.
Le ton est donné : cette après-midi/soirée aux dix noms est vouée à faire naître le feu des contestations. Les plus motivés et les fans auront poussé jusqu’à être présents en milieu de journée afin de se chauffer avec la projection du documentaire Bunch of Kunt: a film about Sleaford Mods. D’autres, seront arrivés à l’heure habituelle, tout juste après la sortie de scène de The Lowest Form. Les commentaires fusent sur la qualité du court mais intense show des Londoniens. Ils ont presque un look de dandies anglais mais envoient leur hardcore de la manière la plus franche qu’il soit. Nachthexen, quant à elles, avec leur esprit riot girrrl, attisent gentiment la flamme des punks et marquent par une flagrante incapacité à pouvoir jouer de certains de leurs instruments. Le public de ce soir est hétéroclite, du punk au cadre, de rocker au hip-hopper, et d’absolument tous âges. Il faut dire que, comme précisé précédemment, l’affiche est chamarrée et le curateur lui-même s’illustre dans le métissage des genres.
Les concerts étant programmés dans deux salles différentes de l’AB, les plus curieux tenteront une percée vers le Club… vide. Un peu perplexes, on profitera de ce moment creux pour délester nos porte-monnaie de quelques dizaines d’euros au stand du disquaire bruxellois Balades Sonores, dont la proposition soignée à de quoi faire craquer les plus récalcitrants. Plongés dans les bacs, c’est à peine si l’ont perçoit les velléités du vétéran de Crass, Steve Ignorant. Quelle est cette tendance qu’ont les punks du troisième âge à vouloir se mettre à la folk ? Peut-être le message reste-t-il pertinent, mais dieu que c’est chiant ! Tout cela pour dire qu’on attend Sleaford Mods avec une hâte non dissimulée et un trop plein d’énergie qui ne demande qu’à être évacué.
Dès son entrée sur scène, l’attitude de Jason Williamson, le frontman du groupe, génère une étrange huée. Influencé par le mouvement mods (ces punks au look d’enfant de coeur, sales gosses reconnus) et par le Wu-Tang Clan (oui, vous avez bien lu), il foule les planches de la scène, menton relevé, feignant un arrogance flagrante. Ça se sent, il n’est pas là pour se faire aimer mais pour provoquer ! En quelques minutes, un jeu avec le public se met en place, éveillant de nombreux sourires puis rires chez son acolyte, Andrew Fearn. Ça commence avec un gobelet envoyé en direction de la scène puis ça continue avec un canardage ininterrompu. On guète tous le moment où l’un des projectiles touchera le chanteur, c’est à la fois excitant, amusant et gênant, mais ça correspond bien au groupe.
Les deux énergumènes à l’allure contradictoire ont réussi leur coup : une Ancienne Belgique bien pleine, face à deux zouaves à la formules ultra simpliste. C’est tellement simple que ça en devient génial et audacieux. Un frontman qui vocifère ses protestations aux côtés d’un beatmaker qui, bière à la main, appuie sur le bouton play. Les chansons se suivent sans trop se ressembler, mixant electro, post-punk, rap, electro-punk, sous l’étiquette auto-déclarée par le chanteur d’electronic munt minimalist punk-hop rants for the working class. Plus le concert avance, plus l’ambiance se transforme. À l’avant ça pogotte de plus en plus sévère. Les gens commencent à monter sur scène. La colère exprimée par le chant, car Jason est un excellent chanteur il faut le dire, se propage comme une traînée de poudre dans toute l’assemblée. Les dandinements enthousiastes du public se font plus nerveux et on commence à considérer notre verre comme un projectile.
Ils sont forts, tellement francs dans leur proposition que leur message passe complètement. Ils sont vrais, entiers et proposent (merci !) une formule qui va à contre-courant d’une industrie musicale basée sur la rentabilité et, par extension, la médiocrité. Sleaford Mods, c’est une voix, un message, un (des) cri(s), celui (ceux) du peuple. Une énergie et une puissance qui font tourner le sang. On sortira de leur concert remontés, prêts à tout casser !