Le 28 mars dernier, le collectif BCUC (comprenez Bantu Continua Uhuru Consciousness) se produisait à l’Orangerie. « La bombe musicale venue d’Afrique du Sud », tels sont les mots qui qualifient le groupe sur le site du Bota. Ce qui pourrait, somme toute, être une description correcte… mais qui s’avère à nos yeux terriblement incomplète.
Lorsque les musiciens arrivent sur scène au rythme des percussions, le chanteur sortant des bruits d’éléphant enrhumé de sa corne de brume, le tout arrosé de cris et de chants lancinants, on pourrait bien s’y tromper un moment et penser assister à un concert de musique tribale. Ce serait sans compter sur la ligne basse funk et la voix soul de la chanteuse d’un groupe qui se décrit lui-même comme afro-psychédélique. Si leurs compositions sont bien inscrites dans leurs cultures propres, ce soir, on se rend compte à quel point elles le sont aussi et surtout dans l’histoire de la musique.
Après 7 ou 8 minutes de ce melting-pot déjanté comme on n’en a plus vu depuis l’époque de Beefheart et Zappa, mon voisin me tape un coup dans les côtes et me sort « mec, t’imagines que ce n’est que l’intro ! ». Les tambours se taisent pour laisser place à la basse, le chanteur lâche sa corne et se met à chanter pour de bon, et la bombe qu’on nous avait promise explose dans le public.
Mais ce premier morceau n’est toujours pas terminé… Le percussionniste nous sort du hip-hop, juste bien tapé, histoire de marquer le rythme et la bombe explose une deuxième fois. Quand ce premier titre s’achève enfin, le chanteur s’adresse à nous avec franchise et en toute simplicité mais dans un anglais à l’accent nettement moins simple : « Messieurs-dames, je suis à la fois terrifié et heureux de voir autant de gens que je n’ai jamais vus avant ».
S’ensuit un concert comme on en a peu l’habitude, où dans le contre-jour des lumières rouges de la scène et de la machine a fumée, un malabar barbu court comme un possédé, gesticule, se contorsionne, crie, entame de nombreux (!) solos d’air guitare. Il multiplie les positions christiques et se met à déclamer, dans une sorte de poésie rythmée par la basse et les percussions, des pamphlets politiques, des incitations à l’amour ou nous raconte les visites de ses proches défunts le soir dans l’obscurité de sa chambre. Le tout donne au concert une atmosphère dramatique qui fait frissonner les amateurs de littérature fantastique que nous sommes.
Mais les amateurs de musique n’en sont pas moins comblés. Des morceaux de minimum 15 minutes où se mêlent chants guerriers, soul, funk, blues, cris, l’énergie du punk, la liberté de ce que les années 60 ont fait de meilleur. Oh on dirait du James Brown, un haka néo-zélandais, non on dirait un peu… on sèche, on n’a jamais rien entendu de pareil. Et c’est précisément là où BCUC brille. En faisant du rock au sens très large du terme mais en y apportant quelque chose de nouveau, de vraiment original et de sacrement efficace !
Le concert terminé, le groupe salue le public d’une révérence théâtrale en bonne et due forme avant de serrer la main au premier rang, dégoulinant de sueur. Et de venir faire la causette à côté du merchandising où les mecs confirment en effet, qu’en plus d’être vachement doués, ils sont aussi vachement sympas !
Harry Harrisson