On ne présente plus la bête. Aux confins du sludge, du doom, du stoner, du métal progressif et d’autres gueulantes obscures, Mastodon donne le ton de l’avant-garde heavy depuis plus de 15 ans. Mercredi 15 novembre dernier, le groupe était de passage à l’Ancienne Belgique pour défendre son septième album studio : Emperor of Sand. Un concert sold out.
Deux noms confirmés étaient programmés en avant-scène, preuve de l’aura que dégage le quatuor d’Atlanta. Si Russian Circles et son post-metal instrumental nous a laissés un tantinet sur notre faim (image récoltée sur place : « une verrine sophistiquée mais qui manque un peu de crevettes »), Red Fang a tenu toutes ses promesses de stoner festif. Du redneck qui sue la bière en plein désert. Et le pit s’est réveillé.
21h. Quatre silhouettes mythiques entrent discrètement sur scène. Ce qui frappe tout de suite, c’est cette impression agréable de simplicité, comme si on retrouvait des vieux potes. Ils sont là pour nous faire plaisir. Ils sont là pour en découdre. The Last Baron en ouverture, c’est un apéro épique de 12 minutes. Que demande le pit ? Des classiques : Divination, Colony of Birchmen ou Megalodon ! Les riffs s’enchaînent, marqués par des rythmiques en spirales qui font que même les fans tapent des headbangs à contretemps. Dans la fosse, ça fraternise, ça chante, on se dit que la fanbase de Mastodon rivalise en chaleur avec celles des plus grands, de Dillinger Escape Plan à Iron Maiden (mais on exagère sans doute un peu…).
Sur scène, c’est généreux, les voix de Troy, Brent et Brann se combinent dans leur savant dosage de semi-grind et de refrains catchy. Brent Hinds est en forme olympique, ses solos décollent, ses bends nous filent des frissons, sa voix enfumée hante les meilleurs passages du set. Quel ‘metal wizard’ ! Géant ! Seul petit bémol : Scott Kelly de Neurosis, monté sur scène pour quelques morceaux, reprend les parties vocales de Brent Hinds sur Crystal Skull et Aqua Dementia. All due respect, mais l’intérêt du featuring ne saute pas aux oreilles… Enfin, jusqu’à ce que Kelly contribue en apothéose à un Diamond in the Witch House à trois guitares. Une conclusion de set sans appel. On en ressort comme d’une nuit de sex torride : crevé, souriant, avec l’envie de remettre ça très vite.
Dithyrambique ? Sans doute. Pourtant, Emperor of Sand reste une déception. Après six albums sans le moindre faux pas, Mastodon surprend à tabasser sans overdose d’inspiration. Pire, le groupe fait des incursions mainstream maladroites (Show yourself ou Steambeather). Seule réelle éclaircie : Roots Remain, magnifique moment de grâce, sorte de mirage de ce qu’aurait été un Emperor of Sand inspiré. Regrets éternels… Mais Mastodon fait tellement pour le métal qu’un peu d’humilité et de tolérance s’imposent. Et puis, il faut reconnaître que l’album prend une autre dimension en live. Espérons que notre pachyderme effronté poursuivra ses explorations dans l’alternatif. Pas comme certaines flammes en déclin du métal, qui monnaient cher et vilain leur répertoire dans des concerts de stade. Heureusement, l’EP surprise Cold Dark Place, tombé du camion fin septembre, arrive à point nommé pour nous rassurer : Mastodon est de retour, entre modernité absolue et clin d’oeil savoureux dans le rétroviseur. Chaudement recommandé !
La soirée ne pouvait mieux se terminer puisqu’on aura l’occasion de remercier Brent et Brann à l’entrée du tour bus. Accessibles, ils prennent le temps de débriefer la tournée. Des potes, on vous dit ! Ils repartent avec quelques bières spéciales bien de chez nous. Une invitation à revenir en festival cet été.
Nohell