Dans son premier long métrage, François Troukens, ex-braqueur nivellois, nous emmène dans l’univers peu exploité du grand banditisme belge. Il fait donc ses premiers pas dans le cinéma en tant que scénariste avec Tueurs, qu’il réalise en partenariat avec Jean-François Hensgens, à découvrir en salles dès le 6 décembre 2017.
On y suit principalement les frasques de Frank Valken (interprété par Olivier Gourmet), un braqueur de haut niveau qui projette d’effectuer le dernier casse de sa vie après s’être évadé de prison. C’est ainsi que l’on assiste, subjugué, à la préparation minutieuse de cet évènement et à sa mise en oeuvre. Ses acolytes (Kevin Janssens, Tibo Vandenborre et Bérénice Baoo) agissent à ses côtés dans une parfaite orchestration.
En parallèle, un ancien dossier criminel refait surface dans les médias : un corbeau rouvre les plaies de l’affaire dite ‘des tueurs fous’, qui a ébranlé toute la Belgique dans les années 80. Le commissaire Bouvy (Bouli Lanners) et sa collègue Tesla (Lubna Azabal) enquêtent à propos de ces deux affaires qui semblent intrinsèquement liées… S’ensuit alors un entrelacs de questionnements et de soupçons continus pour le spectateur qui n’a pas le temps de s’ennuyer.
En effet, le scénariste partage avec le spectateur des expériences autobiographiques qui fascinent et tiennent en haleine : brigandage, prison, évasions, fusillades et courses-poursuites… Le film ne manque pas d’action ! Il ne faut cependant pas perdre sa concentration car le rythme auquel s’enchaînent les péripéties est parfois abrupt. Ceci dit, le casting est absolument efficace : Bouli Lanners, pareil à lui-même, apparaît avec beaucoup de naturel à l’écran. Olivier Gourmet, quant à lui, est tout à fait crédible dans le rôle de bandit comme dans celui d’homme de principe.
Notons cependant que, malgré le jeu accompli des acteurs, les dialogues manquent parfois de spontanéité alors qu’ils sont sont d’ordinaire francs et authentiques dans le cinéma belge. Néanmoins, cette petite défaillance est bien rattrapée par des cadrages soignés. On se régale notamment des nombreuses prises de vues de Bruxelles qui nous sont dévoilées tout au long du film. De manière générale, le décor est acceptable : les espaces sont dégagés et les intérieurs formels. L’accent ne semble pas avoir été spécialement mis sur les détails ornementaux mais plutôt sur l’intrigue, qui ne manque certes pas d’intérêt. De plus, la référence à l’affaire des tueurs du Brabant est évidente, et tombe à pic avec l’actualité récente. Ceci soulève des questions d’ordre public toujours brûlantes sur l’implication réelle des médias et des services secrets dans ce type d’affaires.
Enfin, un point d’honneur peut sans aucun doute être accordé à la musique de ce long métrage composée par Dino Carapelle. Tout à fait saisissante, elle concorde parfaitement avec l’ambiance du film et lui apporte même un certain cachet. Petit plus à signaler : pour les amateurs de rap, les ‘tueurs’ de la scène hip-hop bruxelloise (Damso, Roméo Elvis, Caballero & JeanJass, …) ont prévu de sortir un album homonyme, inspiré du film. Une sympathique collaboration à ne pas manquer.
Avec Tueurs, François Troukens signe donc un premier long-métrage tout à fait honorable, qui au-delà des apparences, est plus profond qu’un simple polar. On sent une réelle volonté de la part du réalisateur de remettre en question un système parfois plus corrompu qu’on ne l’imagine. Le thriller belge a encore de beaux jours devant lui !
Ariane Peltier