Ce vendredi 11 novembre, l’Ancienne Belgique affichait complet pour une soirée ambivalente. Une date loud de qualité, avec une double tête d’affiche constituée de Kadavar et de Blues Pills. Sans pouvoir en dire plus Stray Train, le groupe présent en première partie, il nous a été rapporté qu’il était franchement bon.
La soirée débute, une fois de plus – et avec un certain déplaisir – au fond de la salle en configuration AB Box. Du fait de la présence de trois groupes à l’affiche et donc du timetable revu à la baisse, il était aisé de se voir spolié d’une partie d’un concert fort attendu. Quoi qu’il en soit, on arrive à l’AB sous les gros riffs du trio germanique Kadavar. Il enchante – ou pas – nos oreilles depuis maintenant plus de cinq ans et, en trois albums, a conquis une vague hétérogène de fans, tous sexes et âges confondus. Il ne réinvente clairement rien et son style n’est original que par son anachronisme. Pourtant, sur disques, comme en live, on se sent transpercé par l’énergie brut qu’il dégage. Ils sont puissants, très puissants, et même du fond de la salle, la guitare de Christoph Lindemann vibre intensément en nous, tout comme les coups baguette de Christoph Bartelt, tels de délicieux – mais vifs – coups de fouet. Il faut dire que, siégeant en milieu de scène, à distance égale de ses comparses, il nous fait une démonstration royale de ‘jeu d’exciter’, qui pourrait presque nous rappeler ce cher Animal du Muppet Show. Il semblerait que les Berlinois ne soient pas au meilleur de leur forme ce soir mais, pour quelqu’un qui les découvre live, rien n’y paraît, et même si on nous la dit moins présente, leur force de jeu est parfaitement saisissable. À trois, sous le pattern du power trio standard, ils bâtissent un mur de sons s’écrasant sur nos visages extatiques. Les têtes se balancent, quelques classiques de leur discographie se succèdent tels que Creature of the Demon, All Our Thougts, Come Back Life, Doomsday Machine, et on sort de l’expérience avec comme unique frustration de s’être senti cloisonné au fond de cette salle, sans aucunes perspectives d’avancée vers un meilleur point de vue. Ils nous achèvent finalement avec une brillante, et encore une fois puissante (qui est décidément l’étiquette à leur coller), reprise du Helter Skelter des Beatles.
Ce qui est rapporté ci-dessus n’est qu’une vision, avec parti pris, de quelqu’un déjà fan du groupe. Précision nécessaire dans la mesure où l’affiche de cette soirée, si elle trouve comme point commun un look 70’s partagé par les deux bands, ne trouve somme tout que ce point commun. En effet, si certains adoraient la brutalité d’exécution de Kadavar, d’autre étaient là pour la finesse et le son léché des Blues Pills. Venons-y, d’ailleurs. Actifs depuis environ autant d’années que Kadavar, les Suédois se démarquent de la scène hard/psyché/stoner par une affection prononcée pour le blues (cf. leur nom). Elin Larsson – rare leader ô combien féminine – y remplit à merveille son rôle de diva du genre. Blues Pills, dont le nom s’inspire de celui d’un blog sur la culture underground des 60’s/70’s, naît de la rencontre entre la fratrie rythmique de Radio Moscow et notre diva bluesy. Ce soir, nous sommes impressionnés par la qualité de la performance : le jeu est fluide et précis et la chanteuse nous offre une démo complète de la parfaite reine de la scène. Il faut dire que la blonde damoiselle est dotée d’un organe (et du reste) à faire pâlir bon nombre de ses comparses et membres du public. Nous sommes également amusés mais impressionnés par le jeu de Dorian Sorriaux qui semble à peine frôler sa guitare et déplace chaque membre de son corps de manière presque dansée. Mais entre les chansons répétitives, le costume style ABBA et l’attitude à la Anastasia, la fin de concert – pour les adeptes du premier groupe – se terminera souvent au bar ou ailleurs.
Trop d’ambivalence tue la satisfaction globale. Si la soirée a fini en apothéose pour certains, en flop pour d’autres, chacun y aura trouvé à un moment son compte et repartira avec une pièce d’un des stands de merch débordant jusque près du podium du DJ officiant ce soir-là.