Au confluent de la Sambre et de la Meuse, se trouve Namur. Une jolie ville à taille humaine, pas toujours très animée, certes, mais cela commence à changer. Après le Festival International du Film Francophone et le KIKK Festival, un nouvel événement culturel d’envergure a vu le jour dans la capitale wallonne, il y a trois ans déjà : les Beautés Soniques. C’est dans le cadre de ce jeune festival à l’affiche aussi variée que pointue que nous nous sommes rendus au Belvédère, le 30 octobre dernier, afin d’assister aux concerts d’Hypnodrone Ensemble, de Lysistrata et de Mont-Doré.
Il est 19h30 lorsque l’on arrive au sommet de la Citadelle de Namur et franchit les portes du Belvédère. L’ouverture des lieux au public n’est prévue que dans une trentaine de minutes, ce qui nous laisse le temps de goûter à la potée namuroise spécialement préparée par Louis pour les artistes et bénévoles du soir. Des bénévoles venus en nombre pour soutenir cette salle au potentiel certain, perdue dans les méandres de ces fortifications séculaires.
Ambiance bon enfant en backstage, comme au bar… où l’on échange volontiers avec les quelques Bruxellois ayant fait le déplacement. Au départ clairsemé, le parterre de spectateurs s’étoffe petit à petit jusqu’à l’entrée en scène des membres d’Hypnodrone Ensemble. Trois batteries, deux guitares et une longue intro faisant la part belle aux tintements de cymbales et bourdonnements semblant tout droit sortis d’un monastère bouddhiste. Au tapis sonore de base viennent s’ajouter de nouvelles strates, le rythme s’accélère, les roulements de batterie sont de plus en plus percutants, on ferme les yeux et se laisse emporter par la vision d’une cavalcade dans les steppes embrumées d’Asie centrale. On se relâche, le tempo ralentit et nous voilà à nouveau plongés dans cette ambiance aérienne, voire cosmique. Les cordes sont pincées, les pédales d’effet manipulées, les nappes se superposent comme les couches d’un millefeuille bruitiste minutieusement réalisé par la crème des musiciens du genre dont, entre autres, les fondateurs du projet : Eric Quach (thisquietarmy) et Aidan Baker (Nadja).
Un Orval (ou une… c’était justement le débat du soir) plus tard, les jeunes Français de Lysistrata prennent place derrière leurs instruments respectifs. Les organisateurs des Beautés Soniques ne s’étaient pas trompés en annonçant une « grosse claque en prévision », car c’est exactement l’effet que cela nous a fait. Power trio originaire de Saintes – entre Bordeaux et La Rochelle – Lysistrata n’a d’Antique que le nom qu’il porte (c’est en tout cas le titre d’une pièce de théâtre écrite par Aristophane au 5e siècle avant JC). Tout en effet dans cette formation respire la jeunesse, de ses membres à la fougue qui les habite. On était pourtant dubitatif après un premier titre pas vraiment convainquant, joué tout en force et sans réelle harmonie. C’était sans compter sur le reste de sa prestation dont la qualité grimpera crescendo jusqu’à la dernière note. Oscillant entre le noise, le post- et le math rock et flirtant parfois même avec le metal ou la drum’n’bass, les compositions des nouveaux poulains du label Luik Records (It It Anita, Monster, etc.) combinent parfaitement énergie survoltée et complexité instrumentale. Un groupe à suivre, assurément !
Dernier concert et non des moindres. Après Escalades, leur très remarqué premier EP, les Bruxellois de Mont-Doré sortaient Fractures, en avril dernier. Depuis sa formation, le groupe a connu deux départs : Grégoire Fray (guitare) puis Emmanuel Delettrez (basse) ont respectivement été remplacés par Antoine Ghisoland et Jérôme Considérant (ex-Castles), dont cette soirée au Belvédère constituait la première date sur scène. C’était aussi l’occasion pour nous de découvrir le deuxième disque du quintette en live. Et force est de constater que, malgré ces changements de line up, il a réussi à maintenir une continuité entre ses deux plaques. Continuité technique et artistique mais aussi émotive. On avait été séduit par Escalades, on le sera tout autant par Fractures. Ce soir, on navigue entre textes sombres à forte charge émotionnelle – sortis de la plume de Paul Marique – envolées planantes et riffs aiguisés, avec un set quasi entièrement consacré au nouvel album, joué dans l’ordre, comme la suite logique d’un cheminement vers la guérison. Car aussi haute soit la montagne escaladée, après une chute, on se relève toujours, même s’il faut que cela passe par une fracture, une séparation.