C’est dans l’inconnue la plus complète que nous nous sommes rendus, dimanche dernier, sur le site de l’abbaye de Floreffe. En effet, nous n’avions jamais mis les pieds au festival Esperanzah! et, n’en déplaise à vos oreilles aguerries, ne nous étions pas encore penchés sur la carrière colossale de cette icône qu’est Patti Smith.
Ce qui nous saute d’emblée aux yeux, c’est l’incroyable métissage d’un public qui attend, trépignant d’impatience, celle que beaucoup considèrent comme la marraine du mouvement punk. La plaine se remplit peu à peu, drainant autant de jeunes boutonneux vêtus de tee-shirts des Ramones que de soixante-huitard(e)s revivant leur prime jeunesse libertaire.
Ponctuelle, la grande dame aux cheveux d’argent entame les hostilités avec un poème écrit par Allen Ginsberg, figure emblématique de la Beat Generation. Une avalanche de rimes, véritable manifeste de cette génération éprise de liberté et de nouveaux espaces physiques et artistiques. Il règne un silence d’auditoire (ou plutôt d’abbaye). Chaque oreille est tendue, à l’écoute du moindre mot. Le dernier vers s’achève dans un torrent d’applaudissements avant de laisser cracher le premier riff de guitare.
On entre alors dans le vif du sujet. Un concert pop-rock-folk avec une petite pointe de punk, parfois tranchante, qui nous emballe peu à peu sans que l’on en prenne conscience. Elle danse, chante, gratte ses cordes et harangue son assistance sans laisser entrevoir un instant qu’elle atteindra prochainement les septante printemps. Les mines sont réjouies. Le temps s’écoule, nous menant irrémédiablement vers l’apothéose. Entamant la dernière ligne droite par un Because The Night bien tassé avant d’enchaîner sur le cultissime People Have The Power, l’ex-muse de Fred « Sonic » Smith a réussi son pari. Il n’y a plus désormais qu’à asséner le coup de grâce en entonnant son mythique Gloria… Feu d’artifice ! Émue, Patti Smith lâchera un « Love you ! Love you, Belgium ! » pour remercier une foule complice et émerveillée avant de quitter la scène en toute humilité.
Sans pour autant avoir atteint la transcendance, on ne peut qu’être satisfait d’avoir participé à ce qui sera certainement l’une des ultimes scènes d’un monument de la musique des 70’s. A l’heure où nous avons perdu des monstres sacrés comme Lemmy ou Bowie, notre cuir de rockeur, perdu au milieu des sarouels, n’aura pu rester insensible à cette performance de haut vol. Iggy, on t’attend de pied ferme à Floreffe !
B.B.