Dernière interview de la journée pour Bouli Lanners. Il est fatigué et n’a plus de voix, ce qui est bien compréhensible après être passé par la moulinette à questions des précédents confrères. Il revient tout juste d’une tournée promotionnelle dans l’Hexagone et enchaîne pas mal d’entretiens, d’émissions radio et de télé pour son dernier film à paraître sur nos écrans le 24 février prochain : Les Premiers, Les Derniers. Un film aux allures de western décharné avec un casting de choix : Albert Dupontel, Max Von Sydow, David Murgia, Aurore Broutin, Michael Lonsdale, Bouli Lanners et son fidèle compagnon canin Gibus.
Comment va Gibus, votre chien ?
Il va bien. Je me réjouis de le revoir par ce que je ne le vois pas beaucoup pour le moment. Il se languit de moi, je crois, parce qu’on ne va plus se promener dans les bois et c’est dommage.
Est-ce qu’il participe à l’étape « repérage des lieux » de vos films ?
D’habitude, quand je suis en route, je le prends avec moi. Je suis même parti faire des avant-premières avec lui. Le repérage, il adore ça évidemment, car on s’arrête avec la bagnole, on va se promener. J’ai fait une longue partie des repérages en Belgique avec lui, pour des décors que je n’ai finalement pas utilisés. J’essayais de trouver l’équivalent de l’aérotrain français pour qu’on tourne ici. Du coup, j’ai fait plusieurs centaines de kilomètres à pieds (pas en une fois) sur les lignes de chemins de fer abandonnées avec Gibus. Mais, au final, la Beauce ça fonctionnait mieux.
Comment avez-vous découvert l’aérotrain ?
Je revenais de Toulouse avec un train de nuit et au petit matin j’ai vu ce truc-là. Cela m’a intrigué donc j’ai repéré un nom de gare et je suis revenu deux-trois mois plus tard. Puis, j’ai découvert ce qu’était l’aérotrain. Au départ, je ne savais pas du tout ce que c’était et, en fait, ça a vraiment de la gueule. Après, j’ai découvert la Beauce, un beau terrain de jeu. Là-bas, tout est un peu patiné et un peu déglingué, cela me convenait bien parce que c’est ce que je cherchais.
Vous avez des responsables de casting, mais aviez-vous déjà des idées en tête pour les rôles ?
Oui, Gibus, Albert Dupontel et David Murgia. Pour le reste, c’est venu petit à petit, mes copains comme Philippe Rebbot, c’était une évidence, je lui ai dit qu’il aurait un rôle dans mon prochain film en tant que Jésus. Ensuite, il y a eu Virgile Bramly et Serge Riaboukine, ce sont des amis aussi. Puis il y a eu Suzanne Clément, Aurore Broutin, Max Von Sydow, Michael Lonsdale et Lionel Abelanski, que je ne connaissais pas. Un très belle rencontre, un très bon comédien, sous exploité aussi.
Est-ce que Max Von Sydow et Michael Lonsdale connaissaient votre filmographie ?
Max connaissait mon travail, Michael je ne suis pas sûr. Après, c’est vraiment sur base du scénario que leur choix s’est fait. Ils l’ont lu, on s’est rencontré, quelque chose s’est passé entre nous et ils ont dit oui tout de suite.
La musique tient un rôle important dans vos films. Quels artistes/groupes vous ont inspiré pour la bande originale de Les Premiers, Les Derniers ?
J’écoute beaucoup de musique, surtout quand j’écris. Dans ma playlist, il y a une quinzaine de morceaux récurrents. Il y avait deux-trois morceaux de 16 Horsepower et de Wovenhand qui revenaient régulièrement alors je me suis dit que ce serait bien de travailler avec Pascal Humbert (bassiste dans Wovenhand, 16 Horsepower, Lilium et Détroit). Détroit (le groupe de Bertrand Cantat) a fait une session d’enregistrement dont on a finalement gardé qu’un seul morceau, au moment au Esther et Willy se retrouvent dans le film. In fine, on est reparti sur mon idée de départ : travailler avec Pascal Humbert. On a donc repris des morceaux de Lilium, Wovenhand, 16 Horsepower et de Détroit. Pascal a aussi composé toutes les musiques additionnelles, en utilisant une guitare dobro, qu’il utilise dans 16 Horsepower. Il y a également les Cheap Killers, un groupe de Liège, des potes à moi qui faisaient du grindcore et qui font maintenant du blues. Ce sont des mecs géniaux, tu leur demandes un truc genre ZZ Top et ils te font du « Bouli Blues », avec un rythme bien gras. Tu leur demandes de jouer des morceaux plus lents et une semaine après, ils t’en apportent 12. J’adore les groupes comme ça, qui comprennent d’un coup. Après la première session d’enregistrement, ils ont envoyé un mp3… et puis ils ont perdu les bandes. Un véritable groupe liégeois !
Vous écoutez beaucoup de musique, quels sont vos derniers coups de cœur ?
Dans les derniers coups de cœur, il y a Micah P. Hinson (qui sera à l’Aéronef de Lille le 27 mars), il y a aussi Perfume Genius que j’écoute beaucoup, et le groupe français Limousine. Sinon je découvre des groupes non-stop, qu’ils soient nouveaux ou vieux. J’aime bien papillonner sur iTunes et ma femme fait la même chose. On écoute le même genre de musique et j’adore chercher des nouveaux sons. Parfois, tu trouves rien pendant deux mois puis tout à coup, bam !, tu découvres cinq-six groupes d’un coup et ça fait du bien. Mais il faut chercher, en permanence.
Réaliser et acter : quelles sont les difficultés ?
De faire les deux. Dans Eldorado, c’était simple, puis pour Les Premiers, Les Derniers, j’avais un casting de haut niveau et je me sentais – en tant que comédien – moins bon qu’eux. J’avais une tendance parano un peu idiote du genre : « c’est moi le metteur en scène, je ne vais pas m’auto-engueuler ». Il a fallu passer ce cap-là, ça m’a pris trois semaines pour que je trouve mon personnage.
Comment avez-vous rencontré Albert Dupontel ?
On s’est rencontré il y a une quinzaine d’années pendant le tournage de Petites Misères, un film belge avec Marie Trintignant et Serge Larivière. On avait toutes nos scènes ensemble et c’est comme ça qu’on est devenus amis. Il m’a fait passer trois fois sur ses plateaux à lui, puis on s’est revu lors du tournage d’Un long dimanche de fiançailles, et pour des films de Delépine et Kerven. On est resté en contact en dehors des plateaux, on discute de nos scénarios et de nos projets. Je devais jouer dans son prochain film mais le timing tombe mal avec la sortie du mien.
Dernière question : qu’avez-vous envie de dire aux réalisateurs en herbe ?
Faites des plateaux, apprenez tout en faisant du plateau. Ne vous considérez pas comme des réalisateurs par ce que vous avez fait des études de mise en scène et apprenez à parler aux comédiens.
Propos recueillis par Nancy Junion